41 interpellations dans une secte de yoga tantrique, le gourou écroué

41 personnes appartenant au Mouvement pour l’intégration spirituelle vers l’absolu (MISA)1 ont été interpellées ce 28 novembre dans la région parisienne et dans les Alpes-Maritimes. Sous couvert de pratique du yoga, elles sont soupçonnées d’abus de faiblesse, séquestrations en bande organisée, viols et traite d’êtres humains. 15 personnes ont été mises en examen. Le gourou, Gregorian Bivolaru, et 5 autres membres actifs ont été écroués.

En juillet 2022, la Miviludes avait adressé un courrier au procureur de la République après avoir été informée, par la Ligue des droits de l’homme, de 12 signalements d’anciens membres du MISA. La section du parquet de Paris chargée de la lutte contre les dérives sectaires avait ensuite saisi la CAIMADES (cellule d’assistance et d’intervention en matière de dérives sectaires) et ouvert une information judiciaire. Selon une source proche de l’enquête, « sous couvert d’enseigner le tantra yoga (pratique hindouiste permettant l’éveil de la spiritualité via la sexualité), la parapsychologie et l’astrologie, les dirigeants du mouvement utilisaient des techniques de manipulation pour endoctriner des adeptes féminines et les contraindre à des relations sexuelles, avec le gourou notamment, ou à des pratiques pornographiques tarifées en France et à l’étranger ». Les signalements de la LDH font état de plusieurs lieux d’hébergement, appelés « ashram » ou « Vilusta », où des femmes sélectionnées par le gourou étaient enfermées plusieurs semaines en attendant de recevoir « leur initiation ».

Le gourou était recherché par Interpol

Ce 28 novembre, pas moins de 175 policiers ont été mobilisés pour une opération d’envergure coordonnée par l’Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) et menée simultanément à Paris, en Seine-et-Marne, en Val-de-Marne et dans les Alpes-Maritimes. Lors de ce coup de filet, les policiers ont extrait de la secte 26 femmes « logées dans des conditions d’exiguïté et d’hygiène déplorables ». 41 personnes ont été interpellées, dont Gregorian Bivolaru, fondateur et chef spirituel du mouvement international de yoga controversé qui compterait une dizaine d’associations dans 31 pays, dont la France, mais dont le nombre d’adeptes est difficile à chiffrer.

Aujourd’hui âgé de 71 ans, celui qui se fait appeler Grieg par ses adeptes, a déjà été condamné en Roumanie (pays dont il est originaire) pour « viol sur mineur » et était recherché par Interpol pour « traite d’êtres humains et évasion fiscale ». En exil, il avait obtenu l’asile politique en Suède en 2005. Il avait alors changé d’identité et se faisait appeler Magnus Aurolsson. Reclus dans la région parisienne depuis 2017, il aurait néanmoins réussi à développer son organisation tentaculaire. Pour la financer, il aurait poussé des adeptes à travailler gratuitement dans des strip-clubs ou salons de massage. Certains membres lui auraient aussi fait des dons importants pour construire de nouveaux « ashrams ».

En garde à vue, Gregorian Bivolaru a, dans un premier temps, gardé le silence. Il aurait ensuite dénoncé « un complot politique et une chasse aux sorcières », selon une source policière qui s’est confiée à l’AFP. Il a été mis en examen et placé en détention provisoire. Le propriétaire des « pavillons pour femmes », considéré comme son bras droit, a également été écroué ainsi que deux autres hommes et trois femmes (qui servaient de chauffeurs, rabatteurs et interprètes). Laissées libres sous contrôle judiciaire, 9 autres personnes ont été mises en examen.

« Les autorités ne peuvent pas agir sans plaintes »

Selon Francine Caumel, vice-présidente du Centre contre les manipulations mentales (CCMM), « cette secte et son gourou étaient dans le viseur international depuis des années. Mais malheureusement, les autorités ne peuvent intervenir que sur plaintes alors que les victimes ont énormément de mal à se considérer comme victimes ». Elle appelle donc « à faire évoluer la loi en France » soulignant que « le travail de l’entourage des victimes et des associations qui œuvrent pour les aider est un travail de longue échéance ». A ce jour, 3 victimes auraient déposé plainte, selon Var Matin, et des investigations auraient permis d’étayer leurs témoignages. Elles « mettraient en lumière une organisation compartimentée, selon un procédé habituel en matière de criminalité organisée » confirme une source judiciaire, qualifiant le dossier de « démentiel avec un groupe aux contours de mafia ». Aujourd’hui, ces victimes, toutes étrangères, se disent « soulagées de l’arrestation de Bivolaru » mais ne cachent pas leur angoisse dans l’attente d’un procès et leur « peur d’être de nouveau confrontées aux mensonges et au déni des dirigeants du MISA ».

Ce n’est pas la première fois que la secte d’origine roumaine, née après la renaissance culturelle qui a suivi la chute du dictateur Ceausescu, fait parler d’elle. En 2008, le MISA a été exclu de la Fédération internationale de yoga et de l’Alliance européenne de yoga pour ses pratiques commerciales jugées illicites. En 2012, les autorités italiennes avaient poursuivi 18 membres du MISA et perquisitionné 5 centres de yoga pour des faits de prostitution et d’esclavagisme sexuel. 

(Sources : Libération, 28.11.2023 & France Info, 29.11.2023 & Le Monde, 2.12.2023)

1.MISA est le premier mouvement créé par Bivolaru en 1990. Il fait aujourd’hui partie, avec d’autres structures créées depuis au niveau international, de la Fédération de yoga Atman.

  • Auteur : Unadfi