La réputation du yoga en baisse 

L’engouement pour le yoga n’a pas diminué, bien au contraire. Beaucoup de personnes se sont mises au yoga durant la pandémie et les différents confinements. Mais ce sport n’est plus pratiqué comme auparavant et le yoga a vu son modèle économique profondément modifié. De plus, une meilleure conscience du risque sectaire dans ce domaine a mis à mal la vision d’un sport rimant avec épanouissement.

Le nombre d’adeptes du yoga en France a augmenté de 300% entre 2013 et aujourd’hui. Pour autant de nombreux studios de yoga ont sombré dans la faillite ces dernières années.  « On a eu en moyenne une baisse de 50% de la fréquentation dans les studios après les confinements successifs. » explique Anne-Julie, fondatrice de Chakra Flow Yoga. A titre d’exemple, les Tigre Yoga Clubs, des studios luxueux de yoga implantés depuis une décennie dans les beaux quartiers de Paris, sont en liquidation judiciaire. Elodie Garamond, fondatrice de ce réseau explique que « la demande a été multipliée par quatre, et l’offre par dix ».  Entre les applications bon marché proposant l’accès illimité à des cours de yoga de qualité, la multiplication des professeurs indépendants et les séances de yoga dispensées dans les salles de sport généralistes, les studios de yoga n’ont pas forcément survécu. 

Il existe également un malaise au niveau de l’enseignement du yoga. Il a pu paraître tentant de se tourner vers l’enseignement du yoga, compte tenu de son image léchée et polie sur les réseaux sociaux (tenues, décors, poses, style de vie…) et de la possibilité d’une reconversion professionnelle relativement simple et rapide. Toutefois on sait aujourd’hui que c’est une activité plutôt source de stress, qui peut mener à une certaine précarité : « c’est un leurre de croire que l’on va bien gagner sa vie en étant prof de yoga. Dans les grandes villes, c’est quasiment impossible : en général, les profs sont auto-entrepreneurs, courent d’un studio à l’autre pour donner leurs cours, pour être payé une misère. » explique Isabelle Morin-Larbey, de la Fédération nationale des enseignants de yoga. Ainsi, le burn-out ne serait pas si rare chez ces enseignants. 

Au-delà de toutes ces difficultés, le yoga se heurte aussi à une baisse de réputation en tant que pratique de bien-être. De nombreux adeptes se sont tournés vers le yoga à un moment charnière de leur vie, « divorce, retraite, maladie », explique Carmen Garcia, professeure de sociologie, qui précise que « le yoga est l’une des rares pratiques sportives où les adhérents sont très, très diplômés. » Fragilisé mais aussi aisé, le public que le yoga attire est vulnérable au risque sectaire. Les clients de ce sport peuvent investir certaines sommes pour participer à des stages ou retraites. Mais, comme le souligne le renseignement territorial dans un rapport signé par la police, la gendarmerie et la Miviludes, « la multiplication des lieux de retraite ou de stage de yoga, de méditation ou d’initiation chamanique génère une augmentation du risque de dérives sectaires. » Dans le rapport 2021 de la Miviludes, qui faisait état de 160 signalements pour le yoga et la méditation, on lit le témoignage d’un homme inquiet pour sa compagne : « elle a décidé, depuis quelques mois, de suivre une formation professionnelle de yoga. (…) Elle semble anesthésiée, robotisée parfois. Et elle a comme des pertes de mémoire, elle cherche ses mots au fur et à mesure. Et elle semble ailleurs, déconnectée de tout, sauf de sa démarche pour devenir prof de yoga. »  

(Source : elle.fr, 26.06.2022)

  • Auteur : Unadfi