Journée mondiale du Yoga

Dimanche 21 juin, à New Delhi, Mumbai, Paris ou New York, des millions de personnes enchaînaient des asanas (postures de yoga) pour célébrer le premier Yoga Day. Cette journée internationale du yoga est une initiative du premier ministre indien, Narendra Modi qui a obtenu de l’ONU la reconnaissance de l’évènement en ce jour du solstice d’été.

Narendra Modi est issu du Rashriya Swayamsevak Sangh, mouvement paramilitaire considéré comme la matrice idéologique du Bharatiya Janata Party (BJP), parti de la droite nationaliste hindoue qui a remporté les élections générales au printemps 2014. Dès son arrivée au pouvoir, le chef de l’exécutif indien a créé un ministère du yoga. Il a confié la présidence du comité national d’organisation du Yoga Day à son gourou, H. R. Nagendra. Cet ancien ingénieur devenu thérapeute à Bangalore fait partie des purs et durs de la discipline qu’il a conjuguée à l’ayurveda et à la médecine traditionnelle indienne.
Narenda Modi a demandé d’orchestrer cette journée à Mumbai à l’une des stars locales de la discipline, Mickey Mehta. En guise de bienvenue, il clame à la foule : « Merci aux catholiques d’être ici, merci aux musulmans, merci aux hindous, aux sikhs et aux jaïns, nous sommes les citoyens du monde et le yoga est la religion numéro un ! (…) Des millions de gens font comme nous ce matin, partout dans le monde. Tous ensemble nous allons faire progresser l’humanité ». Il prétend être le meilleur gourou du sous-continent dans le domaine de la santé et du bien-être. Il affirme également être écrivain et philosophe. D’abord judoka, Mickey Mehta est devenu masseur à domicile puis prof de fitness dans des hôtels de luxe avant de créer sa propre chaîne de salles de sport. Il est l’incontournable mentor de tout Bollywood.

Le maître de cérémonie de la capitale indienne était Baba Ramdev. Il est certes populaire dans sa discipline mais il est surtout un véritable homme d’affaires : le yoga et la vente de produits ayurvédiques lui rapporteraient 278 millions d’euros par an. Il estime que le yoga peut guérir la « maladie » de l’homosexualité. Il est également un fervent militant nationaliste, partisan du boycott des entreprises étrangères.
Modi a lui-même participé au Yoga Day. Vêtu d’une tunique blanche et d’une écharpe aux couleurs du drapeau indien, il s’est adressé aux 36.000 personnes présentes à New Delhi : « Nous ne faisons pas que célébrer une journée. Nous entraînons l’esprit humain à ouvrir une nouvelle ère de paix ».
Les musulmans indiens accusent le gouvernement de se servir du yoga, rendu obligatoire à l’école, comme une nouvelle arme du nationalisme hindou. Des journalistes s’interrogent sur le but réel de ce « frénétique prosélytisme » du yoga déployé par ce même gouvernement.

Modi a fait en sorte que la participation au Yoga Day devienne un acte patriotique. Un parlementaire du BJP (et prêtre hindou) a déclaré : « ceux qui s’opposent [à l’évènement], devraient se jeter dans la mer ». Une française installée en Inde s’inquiète de la tournure que prend l’évènement : « en montrant à quel point le yoga résonne dans le monde, Modi aiguise le patriotisme déjà exacerbé de ses concitoyens ».

(Source : Rue 89/Nouvel Obs, 25.06.2015 &Le Magazine du Monde, 27.06.2015)