Les « décrocheurs » du développement personnel

Nombreux sont ceux qui, cherchant des réponses à leurs maux -pathologie chroniques, stress, anxiété, sentiment de perte de sens-, espèrent que les méthodes de bien-être leur apporteront des solutions. Mais loin de satisfaire tout le monde, l’univers du développement personnel peut se révéler très décevant et amener certains de ses adeptes à s’en éloigner… y constatant les mêmes travers que dans la vie courante.

Selon Zineb Fahsi, professeure de yoga et autrice de l’essai Le yoga, nouvel esprit du capitalisme1, le développement personnel n’est pas la solution « pour faire face à des conditions de vie ou de travail difficiles. »

Au contraire, beaucoup y retrouvent les travers qu’ils ont voulu fuir. Au lieu de se détendre, certains de ses adeptes, se sentant obligés d’acquérir toujours plus de ressources pour s’améliorer, entrent dans une compétition et une quête de performance menant à une fuite en avant qui peut coûter cher, tant financièrement que sur le plan moral.

Ce fut le cas pour Sacha. Dans l’espoir de fuir le stress et l’esprit de compétition de son travail, elle s’inscrit à des cours de yoga s’investissant au point de culpabiliser dès qu’elle rate une séance, ne tenant pas compte des douleurs occasionnées par les cours et ne réalisant pas qu’elle n’est pas davantage détendue. Dans sa quête du mieux-être, elle explore d’autres disciplines comme la sophrologie, la méditation, le chamanisme, sans plus de succès. Finalement, elle se persuade qu’un investissement personnel plus fort est peut-être la solution. Elle s’inscrit alors à une formation pour devenir professeur de yoga et souscrit même un prêt de 2.000 euros. Mais l’esprit de compétition, les rivalités, le manque de compassion des autres participants et le dogmatisme de certains enseignants l’ont épuisée et amenée à rompre avec cet univers.

Zineb Fahsi le confirme : les adeptes du développement personnel picorent et « sont toujours à la recherche de la dernière nouveauté. » Nouveautés alimentées par des professeurs en concurrence, sans cesse obligés de proposer des pratiques toujours plus attrayantes. « C’est un milieu ultra compétitif et précaire » analyse-t-elle.

Marc Bonomelli, journaliste et auteur du livre Les nouvelles routes du soi2, a rencontré beaucoup de « décrocheurs ». Si certains ont fui la surenchère qui règne dans ce milieu, d’autres ont simplement été rattrapés par la réalité matérielle. L’achat de livres, cours, stages, retraites n’est pas à la portée de tous.

Certains décrocheurs, victimes d’une fatigue occasionnée par le « toujours plus » de ce milieu, vont même jusqu’à faire une sorte de burn out, explique Thierry Jobard.

Il constate aussi que d’autres finissent par ouvrir les yeux après que leur quête les a menés à essayer des techniques « toujours plus perchées et pseudoscientifiques, frôlant parfois la dérive sectaire. » 

(Source : Slate, 05.04.2023)

1. Le yoga, nouvel esprit du capitalisme, Zineb Fahsi, Textuel, mars 2023, 203 pages

2. Les Nouvelles Routes du Soi – En immersion chez les nouveaux spirituels, Marc Bonomelli, Arkhe, novembre 2022, 320 pages