Résumé d’un article sur le rôle de thérapeutes dans la production de faux souvenirs chez les patients. Abordant plusieurs cas, de différents points de vue, la journaliste du Daily Mail expose avec clarté le phénomène des faux souvenirs et les conséquences dévastatrices qu’une mauvaise thérapie peut avoir sur les patients et leurs familles.
Le cas de Carol*
Carol Felstead, une infirmière de 21 ans, avait consulté pour des maux de tête. On a réussi à la convaincre que sa famille était un groupe de satanistes meurtriers. Il lui faudra 20 ans de thérapie pour effacer les terribles faux souvenirs qui lui ont été induits.
À cette époque, lorsqu’elle accusait sa famille, il n’y avait aucune équivoque dans les propos de Carole Festead. Devant le tribunal, elle a raconté en détail la nuit où sa mère aurait assassiné sa sœur aînée avant de mettre le feu à la maison pour faire disparaître les preuves. Et pourtant, pas une seule de ces accusations n’était vraie. Elle est l’une des milliers de victimes du syndrome des faux souvenirs. Pour son frère, le Dr Kevin Felstead, 53 ans, ancien professeur d’université de Stockport, Cheshire[1], «n’importe qui peut prendre des cours de psychothérapie en ligne et recevoir l’accréditation pour exercer après seulement deux semaines de formation. Des jeunes femmes vulnérables, telles que ma sœur, peuvent alors tomber entre leurs mains».
Les parents de Carol se souviennent comment leur fille a, petit à petit, pris des distances avec eux jusqu’à cesser tout contact. Neuf ans après son départ, elle avait signalé à son oncle qu’elle souhaitait de nouveau rentrer et retrouver sa famille. Deux mois plus tard, la police a fait savoir à la famille que Carol avait été retrouvée morte, entourée de médicaments. Elle a appris son décès quinze jours plus tard ; le thérapeute, le Dr Fisher, avait pris en charge la crémation, s’étant présenté aux autorités comme le parent le plus proche.
Déjà choquée, la famille n’était pas au bout de ses peines : le Dr Fisher a remis à la police un document, prétendument écrit par Carol, détaillant la maltraitance qu’elle avait subie et alléguant que sa sœur, Joan-Julie, avait été assassinée par leur mère. Un thérapeute avait signé un document attestant que les infections urinaires à répétition de Carol étaient liées à des abus sexuels exercés dans le cadre de rituels sataniques. Le père a pu fournir les preuves de leur innocence mais le mal était fait. En une nuit, les cheveux de la mère sont devenus gris. Elle a fait une grave dépression et est morte quelques mois plus tard.
Le cas de Janet Jones
Peter Jones a aujourd’hui 70 ans. Il a perdu son emploi, sa femme et sa famille. Il ne connaît pas sa petite-fille âgée de trois ans. Tout cela, il le doit à un thérapeute qui, encore aujourd’hui, suit sa fille de 48 ans, Janet.
Janet s’est adressée à ce psychothérapeute il ya dix ans alors que sa carrière s’effondrait après une période de maladie. Quelques semaines après le début de la thérapie, elle a dénoncé à ses parents des abus commis par son grand-père maternel. Instinctivement, la mère de Janet s’est jetée dans ses bras pour la réconforter. Peter a appelé ses beaux-parents qui étaient en vacances en Espagne. Six mois plus tard, brisé, son beau-père décédait d’une crise cardiaque. Inquiet pour sa fille, Peter a appelé la psychothérapeute. Elle ne répondait jamais. Peu de temps après, Janet accusait son père d’avoir également abusé d’elle. Encore une fois, sa femme prit la décision de soutenir sa fille et a mis son mari à la porte. Elle demanda le divorce tout en lui envoyant secrètement une photo de leur petite fille.
Le seul espoir de Peter est que des victimes du syndrome des faux souvenirs se rendent compte qu’ils ont peut-être fait une terrible erreur.
Le cas de Maxine Berry
Maxine Berry, 41 ans, a envisagé le suicide après avoir cru que son père l’avait violée. Dans la crainte de devenir agresseur à son tour, elle a demandé à être stérilisée à l’âge de 23 ans. Elle a découvert trop tard que ce sont des faux souvenirs qu’on lui avait induits.
Elle avait 18 ans lorsqu’elle a demandé une aide psychologique pour l’aider à gérer un stress lié à son entrée à l’université. Elle est allée, sur les recommandations d’un conseiller de la faculté, dans une clinique privée. On lui a donné un livre sur la maltraitance des enfants et invité à des séances de thérapie de groupe. À la fin d’une de ces séances, elle a confié au groupe que son père avait, peut-être, fait « quelque chose » sur elle dans le passé. Bourrée d’antidépresseurs, des images lui sont arrivées progressivement : elle se souvenait avoir été abusée par son père entre deux et dix ans. Elle en était tellement malheureuse qu’elle a tenté plusieurs fois de mettre fin à ses jours.
Les séances donnaient lieu à une véritable compétition entre les patients : c’était à celui qui se remémorait le plus de souvenirs. Quand Maxine s’est interrogée sur la véracité de ces souvenirs, le thérapeute s’est mis très en colère l’accusant de ne pas vouloir accepter la réalité.
À 22 ans, elle a épousé Brian qu’elle a quitté dans l’année parce qu’il essayait de lui faire entendre raison sur cette thérapie à laquelle il ne croyait pas et qui avait pris toute la place dans la vie de Maxine. Le couple s’est retrouvé l’année suivante mais quand la jeune femme a annoncé à ses thérapeutes qu’ils souhaitaient des enfants, ils le lui ont déconseillé : elle pourrait reproduire sur ses enfants ce qu’elle avait vécu. Choquée par cette révélation, elle a demandé à être stérilisée, s’interdisant toute chance de fonder sa propre famille.
Progressivement, et grâce à l’aide de son mari, Maxine est parvenue à se sevrer de son cocktail d’antidépresseurs. Alors qu’elle retrouvait peu à peu ses moyens, elle a vu un documentaire sur les faux souvenirs et réalisé brutalement ce qui lui était arrivé.
Maxine a intenté une action en justice contre la clinique. Dans un second temps, elle a pris contact avec son père qui lui a pardonné.
Les conséquences des faux souvenirs induits
Des études cliniques ont montré qu’il est possible d’implanter de faux souvenirs dans la mémoire d’une personne. Madeline Greenhalgh, responsable de l’association britannique de Faux Souvenirs, a déclaré avoir traité 2500 dossiers.
Ces fausses allégations détruisent les couples dont le mari est souvent la victime directe ; du jour au lendemain, ces hommes perdent leur famille, leur maison, leur emploi. La situation est tellement dramatique et dévastatrice qu’il devient difficile, pour celle qui a proféré les allégations, de revenir en arrière. Éloignées de leur famille, les victimes de faux souvenirs restent souvent longtemps sous l’influence du thérapeute.
Pour Katharine Mair, psychologue clinicienne à la retraite, la tendance à l’usage des thérapies induisant de faux souvenirs est préoccupante. L’année dernière, elle a publié un livre sur ce sujet[2].
« Ces thérapies sont très intensives. Le patient est souvent placé dans un état de transe où il est encouragé à se souvenir. C’est alors que de faux souvenirs d’enfance surgissent. »
Selon Katharine Mair, les familles accusées appartiennent plutôt à la classe moyenne. Alors que, statistiquement, les abus sont plus fréquents dans les familles défavorisées. Dans tous les cas, ce phénomène est dévastateur pour les familles.
*Dans les 3 exemples qui suivent, certains noms ont été changés.
Source : Daily Mail, 09.02.2014
[1] Justice pour Carol par le Dr Kevin Felstead et Richard Felstead (amazon.co.uk)
[2] Abused by Therapy: how searching for childhood trauma can damage adult lives, Katharine Mair, published by Matador (Royaume-Uni), octobre 2013.