Pratiques ésotériques : attention à la dépendance

Il est difficile d’imaginer que la cartomancie ou des pratiques proches puissent mener à la dépendance ou à l’emprise, pourtant plusieurs de leurs adeptes ont témoigné pour le journal Elle de l’addiction dont elles avaient souffert.

A l’image de Constance, 23 ans, devenue addict à la cartomancie à la suite d’une rupture amoureuse. Chaque tirage de carte lui laissait imaginer qu’elle pourrait renouer avec son amour déçu et provoquait en elle un pique d’adrénaline euphorisant. Elle a finalement réalisé que cette pratique avait camouflé de longs mois de dépression et l’avait empêchée de faire le deuil de sa relation. Une autre jeune femme raconte qu’elle en était venue à baser tous ses faits et gestes sur l’utilisation du pendule.

Selon Stéphanie Label, addictologue, l’addiction aux pratiques ésotériques s’installe de la même façon que la dépendance aux drogues. Elle est souvent associée à un plaisir immédiat éprouvé lors des premières expériences que l’on a toujours plus envie de reproduire, surtout si le plaisir s’amoindrit. Pour la spécialiste, « vivre selon des croyances n’est en rien une addiction », mais lorsque le soulagement qu’elles apportent incite à y retourner sans cesse, lorsqu’un horoscope ou une autre pratique incitent à quitter un travail et que le temps et l’argent qui y sont investis deviennent trop importants, lorsque la pratique devient la solution pour gérer tous les problèmes, il y a lieu de s’inquiéter. Pour Stéphanie Label ce sont des signes de dépendance.

Le monde du bien-être et des thérapies dites alternatives n’échappe pas à cette problématique et lorsque qu’on a affaire à un thérapeute mal intentionné, comme Sabrina, 35 ans, cela peut se révéler dramatique. Attirée par une collègue chez sa mère thérapeute, elle est restée dix ans sous son influence. Au prix de 100 euros la séance, la thérapeute la convainc qu’elle a des dons, lui fait croire qu’elle a le pouvoir de nettoyer ses énergies et l’amène à renoncer à ses études et à rompre avec sa famille jugée toxique. Coupée de tous ses repères, Sabrina ne fréquentait plus que des personnes liées à la thérapeute. Aujourd’hui sortie de l’emprise de la thérapeute, elle aurait voulu porter plainte, mais ne l’a pas fait faute de preuves.

Le regain des pratiques ésotériques inquiète Pascale Duval, porte-parole de l’Union Nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de secte (Unadfi), qui rencontre souvent le genre de problématique vécue par Sabrina. Selon elle une personne ou une communauté peuvent être à l’origine d’une situation d’emprise qui se manifeste souvent par une radicalisation de la pensée et une rupture avec la vie d’avant. Une enquête menée par l’Unadfi et l’institut de sondage Odoxa a montré que les jeunes et les personnes de 40-50 ans, peu à l’aise avec l’outil internet, sont particulièrement touchés. En dépit de leur niveau d’étude, les cadres supérieurs ne sont pas épargnés et sont attirés par des mouvements qui leur promettent de faire partie de « l’élite de la société ». Pascale Duval signale que si un proche « vous dit qu’il agit de telle manière sur les conseils de sa chamane, par exemple, alors posez-vous des questions ».

Certaines praticiennes rencontrées par le journal Elle, ont conscience du pouvoir et de l’emprise qu’elles pourraient avoir sur des clients et imposent des limites, comme un nombre restreint de consultations, ou orientent vers des spécialistes lorsqu’elles constatent qu’elles ont affaire à une personne dépressive. 

(Source : Elle dimanche, 26.05.2022)

  • Auteur : Unadfi