Les obscures origines des pierres vendues en lithothérapie

Acheter des minéraux magiques, une pratique innocente ? Pas tant que ça. Les adeptes de lithothérapie encouragent, malgré eux, le financement d’organisations criminelles et la perpétuation de conditions de travail désastreuses.

Michel Jébrak, géologue et professeur émérite au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’UQAM (Québec), déplore ainsi le manque de traçabilité de ces minéraux. Cet expert en ressources minérales a dirigé et conseillé des projets d’exploration minière dans le monde entier. Une expérience qui lui permet aujourd’hui de faire un parallèle entre la route des cristaux de guérison et celle de la drogue : absence de traçabilité, ramifications nombreuses en lien avec de nombreuses activités illicites, permettant parfois de financer des groupes armés.

Il donne ainsi l’exemple du lapis-lazuli, dont le principal gisement, situé en Afghanistan, aurait permis de financer la guerre des talibans. Ces propos sont confirmés par une enquête de 2 ans menée par l’ONG Global Witness, concluant que la pierre bleue est un « minerai de guerre » qui « alimente la corruption, les conflits et l’extrémisme dans le pays ». Les minéraux constituent ainsi la seconde source de revenus des talibans, après la drogue.

Le chercheur explique que si les vendeurs de cristaux magiques indiquent généralement le pays d’origine des minéraux, ils ne connaissent souvent pas leur provenance exacte. Maryse Côté-Hamel, professeure adjointe en sciences de la consommation à l’Université Laval, estime même que l’ignorance de la provenance des pierres constitue un argument marketing : cet exotisme mystérieux ajouterait une touche de mysticisme et d’authenticité pour les consommateurs.

En réalité, les pierres et minéraux utilisés en lithothérapie proviennent principalement de mines artisanales, opérant généralement en marge de la loi. Michel Jébrak souligne que ces zones de non-droit sont associées à des pratiques épouvantables : prostitution, travail d’enfant… Selon le chercheur, en achetant ces produits les consommateurs se rendent donc complices des conditions désastreuses de travail et de vie que subissent les mineurs et leurs proches.

Comme le montre la série documentaire « Les dangers des cristaux guérisseurs », à Madagascar ce sont ainsi des adolescents qui descendent à plus de 15 mètres de profondeur pour extraire les cristaux de quartz, et ce, dans des conditions particulièrement périlleuses. En raison d’un gel des permis miniers, la plupart des exploitations minières du pays sont illégales. Néanmoins, l’extrême pauvreté de l’île explique que  les volontaires ne manquent pas. L’exploitation des travailleurs dans des conditions dramatiques permet donc de nourrir une chaîne d’intermédiaires et de distributeurs tirant d’importants bénéfices de ce commerce. Ainsi, avant de parvenir au port de Toamasina, sur la côte nord-est de Madagascar, les cristaux se vendent déjà jusqu’à 160 fois le prix de départ dans les mines. En Occident, les pierres sont revendues à des prix déments : dans les boutiques de lithothérapie, il n’est pas rare de trouver des minéraux vendus plus de 30 euros les 400 grammes, soit plusieurs centaines de fois le prix payé à leur point de départ.  

(Sources : Journal de Montréal, 26.09.2023 et 30.09.2023)

  • Auteur : Unadfi