Au début du mois de décembre 2022, l’Obs a consacré un dossier aux pratiques de soins non conventionnelles et s’est penché de manière plus approfondie sur l’une d’entre elles qui connaît un grand succès en France : la naturopathie.
Au début de son article intitulé « Les dérives des naturopathes », l’Obs donne la parole à une repentie de la naturopathie. Après avoir visionné des vidéos d’Irène Grosjean la « pseudo-papesse de la naturopathie », elle a choisi de s’intéresser à la pratique jusqu’à devenir elle-même naturopathe pendant cinq ans. Progressivement, elle s’est mise à douter, ne se sentant plus à l’aise avec le discours prôné par la naturopathie. Les nombreux discours antivax de ses confrères naturopathes lors de la pandémie la décident à remettre en cause la pratique. Elle se rend alors compte que ce qui était pertinent était le travail fait autour de la diététique et choisit alors de reprendre des études pour devenir diététicienne. Elle est aujourd’hui diététicienne et publie régulièrement des vidéos YouTube pour alerter sur les dérives de la naturopathie.
Les Français semblent de plus en plus enclins à se tourner vers des pratiques de soins non conventionnelles, comme la naturopathie. Selon un sondage Harris Interactive de 2019 sur les médecines douces, 10% déclarent avoir déjà consulté un naturopathe. Les naturopathes s’implantent de plus en plus et seraient près de 6 000 aujourd’hui. Pour rappel, en France la naturopathie n’est validée par aucun diplôme d’Etat. Autre chiffre celui de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRG) qui estimait que 4 français sur 10, dont 60% parmi les malades du cancer, auraient eu recours à des médecines douces. Bruno Fallissard pédopsychiatre et biostatisticien à l’Inserm remarque que la reconnaissance sociale de ces pratiques augmente, due notamment à « un désarroi ambivalent de nos concitoyens face à la médecine conventionnelle et une fascination pour des pratiques différentes ». Il affirme qu’il est important de ne pas juste constater leur manque de rationalité mais que cela constitue un véritable problème de santé. Selon lui, il faut chercher à comprendre leur mécanisme d’action, les évaluer et les structurer. Pour le moment il n’existe aucun service de l’Etat pour assurer le suivi de ces pratiques et les pseudo-thérapeutes peuvent prospérer en toute quiétude.
Les causes de ce succès sont multiples : d’une part les failles de la médecine avec notamment les difficultés de prise de rendez-vous avec des médecins dans certains territoires, des consultations parfois trop rapides et dénuées d’empathie notamment en ce qui concerne les maladies chroniques. Parmi les autres causes on peut aussi citer les différents scandales sanitaires, et aussi une défiance accentuée par l’essor du complotisme durant la période pandémique. Pour Thierry Ripoll, chercheur en psychologique cognitive et enseignant à l’université d’Aix-Marseille, la « préférence naturelle » joue aussi un rôle. Pour lui « tout le monde, ou presque, préfère un remède naturel à un remède chimique, comme si la nature était bonne par essence et tout ce que crée l’homme potentiellement mauvais ». Enfin, les malades sont bien souvent des personnes très vulnérables, en quête de sens, et peuvent donc se rapprocher d’explications et de solutions irrationnelles là où la science n’a pas forcément d’explication à donner.
Aller voir des praticiens de ces PSNC comporte des dangers pour les individus, notamment un phénomène d’emprise qui peut entraîner des pertes de chance chez les malades. Par la suite, les victimes ont du mal à faire entendre leur voix car elles ne savent pas comment agir et/ou parfois peuvent manquer de preuves. Quand elles souhaitent poursuivre un pseudo-thérapeute et protéger d’éventuelles nouvelles victimes elles se retrouvent démunies. Une proche d’une victime d’Irène Grosjean raconte que lorsqu’elle a voulu agir on lui a répondu que « c’était son choix ». Franck Dannerolle, chef de l’Office central pour les Répression des Violences aux Personnes reconnait qu’il n’est pas évident de qualifier pénalement l’infraction car les victimes sont à la base de la démarche. Restent alors les associations de victimes qui par leur expérience dans l’écoute peuvent recevoir les victimes et leurs proches afin de les aider, de les croire et de les comprendre.
(Source : L’Obs, n° 3034 du 1er au 7 décembre 2022) Lire l’ensemble des articles de l’Unadfi sur la naturopathie : https://www.unadfi.org/mot-clef/naturopathie/