Endométriose et dérives sectaires : nouveaux témoignages de victimes

Atteintes d’endométriose, plusieurs victimes de dérives sectaires témoignent pour Streetpress.

L’endométriose est une maladie qui affecte environ 10% des personnes menstruées ; elle peut être responsable d’un large panel de symptômes, tels que des douleurs pendant les règles, pendant les rapports sexuels, des troubles digestifs, des douleurs chroniques… Toutefois, la médecine peine à proposer des solutions satisfaisantes aux patientes pour traiter cette maladie dont le diagnostic prend en moyenne sept ans. Certaines d’entre elles, comme S., s’orientent donc vers des pratiques alternatives pour tenter de soulager leur douleur : « écœurée par la médecine », elle a testé plusieurs PSNC, comme la naturopathie, le yoga, ou l’aromathérapie. Elle découvre également le coaching prônant le « féminin sacré » (qui prétend que la nature féminine serait dotée de pouvoirs surpuissants) et réalise plusieurs retraites spirituelles et week-ends chamaniques, jusqu’à participer à des séminaires en Thaïlande. Elle constate aujourd’hui que « des systèmes d’emprise se mettent en place, car si au bout de trois, quatre ou cinq ans rien ne fonctionne, on dit aux malades que c’est parce qu’elles “n’arrivent pas à manifester”, que leur énergie ne vibre pas assez haut… ». Elle estime également avoir dépensé des milliers d’euros, pendant près de cinq ans, sans voir son état s’améliorer, avant d’être mise à l’écart du milieu : « On commençait à dénigrer la direction que prenait ma vie. Elles ont dû se douter que j’allais me rendre compte de certaines choses, et elles ont préféré me mettre à l’écart », analyse-t-elle aujourd’hui.

L’expérience de S. n’est pas un cas isolé. En 2022, un rapport de la Miviludes pointait les risques associés à cette pathologie : « les femmes victimes d’endométriose, maladie méconnue et très douloureuse, sont aujourd’hui doublement ciblées par les groupes sectaires ». Selon une étude en cours de publication, un peu plus de 80% des femmes atteintes d’endométriose auraient déjà eu recours au moins une fois à une PSNC pour tenter de gérer leurs symptômes.

Selon Hélèna Schoefs, doctorante en sociologie en collaboration avec l’UNADFI, ce recours s’explique par « l’insatisfaction de la médecine conventionnelle, l’errance médicale, le paternalisme des soignants, la psychiatrisation de leurs symptômes ».

Victime de violences de la part du corps médical, P. explique ainsi s’être tournée vers les PSNC pour « trouver la bienveillance et l’humanité qu’elle n’avait pas trouvées chez les soignants ». Elle consulte un praticien en psychogénéalogie, qui conclut que son infertilité est due au fait qu’elle est fille unique et diagnostique un déséquilibre au niveau des coudes de la jeune femme. P. estime avoir ressenti une forme de culpabilité par rapport à sa maladie, qu’elle avait déjà éprouvée avec des soignants conventionnels. En effet, dans plusieurs théories alternatives comme celle du « féminin sacré », mais aussi dans les discours de certains médecins, la cause des souffrances est attribuée à la nature même des femmes, ce qui les responsabilise et les culpabilise quant à leurs douleurs. Des propos qui peuvent avoir des conséquences alarmantes pour les malades, comme l’explique Barbara Mvogoh, de l’association JusticeEndo : « Se faire promettre une guérison qui n’arrive pas, pour des personnes déjà vulnérables… On finit par les ramasser à la petite cuillère. »

L’enquête de Streetpress présente également le cas de M., qui estime avoir consulté « une trentaine de médecins nutritionnistes, ostéopathes, naturopathes et thérapeutes en France, en Belgique et en Allemagne ». Ayant entendu des personnes prétendre avoir guéri de l’endométriose en modifiant drastiquement leur alimentation, M. expérimente plusieurs régimes alimentaires différents ; sans effet, puisque ses douleurs augmentent. Après plusieurs années, elle découvre que ces régimes ont provoqué d’importantes intoxications et de graves carences : « Mon microbiote était complètement détruit ».

Comme l’explique Hélèna Schoefs, le risque ne se limite pas aux dérives sectaires : « Une dérive n’a pas besoin d’être sectaire pour être alarmante ». Elle pointe notamment les dérives thérapeutiques, « des pratiques qui ont des prétentions thérapeutiques non éprouvées scientifiquement », comme la naturopathie, qui suppose que tout symptôme est révélateur d’un mal profond et entretient donc la culpabilisation des malades.

De plus, dans le cadre de l’endométriose, les patientes alertent également sur les dérives des médecins, parfois prompts à propager des théories ésotériques. C’est par exemple le cas de M.R., dont le diagnostic d’endométriose est balayé par un médecin qui indique qu’elle aurait occulté un viol et une fausse couche : « J’essayais de garder mon sang-froid en lui expliquant mes douleurs pendant les rapports, il m’a coupée pour me dire que c’était parce que j’avais peur des pénis… ». « L’idée que la maternité permettrait de « guérir » l’endométriose, que la maladie serait liée à une mauvaise gestion de ses émotions, ou bien que la patiente a des problèmes psychologiques… Les professionnels de santé ne sont pas immunisés contre ces pratiques », appuie Hélèna Schoefs. 

(Source : Streetpress, 23.04.2024)

  • Auteur : Unadfi