La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) s’inquiète de l’expansion des dérives touchant à l’alimentation telles que le crudivorisme et les jeûnes. Le Parisien a enquêté sur ce phénomène et donné la parole à des victimes ou proches de victimes de ces méthodes.
Depuis 2018, la MIVILUDES a recensé 161 signalements sur les régimes alimentaires. Dans le viseur de la mission on retrouve notamment le vidéaste et l’apologiste du crudivorisme Thierry Casasnovas. Ses vidéos concernant la santé (alors qu’il ne dispose d’aucun diplôme en la matière) et son régime cru connaissent un réel succès. Il met en avant son expérience personnelle : grâce à un changement d’alimentation il aurait pu guérir d’une tuberculose, d’une hépatite et de sa toxicomanie. La mission interministérielle fait état de 400 signalements sur Thierry Casasnovas depuis 2016 et alerte sur le risque de perte de chance de guérison des personnes qui suivent ses principes. Casasnovas n’hésite pas, par exemple, à qualifier la chimiothérapie de « mort au rat » et prétendre qu’un régime crudivore peut guérir le cancer ou l’autisme. Une femme témoigne avoir suivi les principes de Casasnovas pendant un an et demie en croyant que cela pourrait guérir sa bipolarité. Elle a commencé par perdre beaucoup de poids et voir ses cheveux tomber. Elle fréquentait des groupes Facebook composés d’adeptes de Thierry Casasnovas ; avec le recul elle raconte avoir été devant une armée de fanatiques. Dans ces groupes aucune contestation n’est permise. Après un an et demie et 17 kilos perdus, elle a décidé de tout arrêter et regrette de s’être laisser convaincre.
Interrogé par Le Parisien sur les signalements à son encontre, Thierry Casasnovas répond se moquer d’être considéré comme un gourou et rappelle qu’aucune plainte n’a été déposée contre lui. Ces propos sont confirmés par Audrey Keysers de la Miviludes qui ajoute cependant que les gens ont souvent honte d’être tombé dans le piège et n’osent pas le dénoncer.
La pratique du jeûne est une autre dérive alimentaire qui interpelle la Miviludes. Sa secrétaire générale Anne Josso, cite par exemple la pranathérapie ou le respirianisme qui défend l’idée que l’on pourrait vivre sans nourriture mais avec une alimentation cosmique. De très nombreux stages prônant ces jeunes sont organisés en France et l’on comptabiliserait plusieurs décès en lien avec ces jeûnes.
Un homme qui a vu sa sœur mourir après une semaine de jeûne à l’institut PranaHvital (un centre de naturopathie de la Somme) témoigne du parcours de sa sœur. Elle a débuté par le crudivorisme avant d’aller vers des jeûnes de plus en plus longs. Lors du jeûne où elle est décédée, la pharmacienne naturopathe ne la trouvant pas en forme lui conseilla de ne pas jeûner mais de consommer des jus de légumes. Le parquet d’Amiens a ouvert une enquête pour homicide involontaire et abus de faiblesse. A propos d’un autre stage de jeûne de 21 jours, une personne témoigne de malaises récurrents des participants alors qu’aucune présence médicale n’est sur place. Un participant cardiaque est décédé lors de son transfert à l’hôpital en ambulance. L’animateur signifiera aux autre participants que le défunt a quitté son corps et que c’était son choix. Contacté par Le Parisien, les organisateurs se dédouanent et se reposent sur le fait que le défunt était cardiaque. Dans cette affaire le Parquet de Rodez a classé l’affaire sans suite, l’autopsie n’ayant pas conclu à une mort suspecte. Un stage similaire s’est déroulé au même endroit l’été dernier.
L’ensemble de ces modes alimentaires représente un réel danger et prospère sur Internet en surfant sur la défiance à l’égard de la médecine et les différentes théories du complot concernant la santé. Car ce sont bien souvent des personnes vulnérables confrontées à des traitements importants qui se tournent vers une solution alternative.
(Source : Le Parisien, 08.10.2019)