Dérives sectaires en Catalogne

Un père français a porté plainte, fin novembre, contre son ex-femme qu’il l’accuse de ne pas avoir protégé leur jeune fils en le faisant participer à des séjours, en Espagne, comportant consommation de substances psychotiques et rituels déments.

Expatrié à Barcelone depuis 15 ans, celui qui s’est confié au magazine Equinox et qu’on appellera Arnaud, sait que son ex-conjointe participe régulièrement à des séjours, avec d’autres Français, au sein d’une communauté au cœur des montagnes de la Garrotxa. Là, les personnes peuvent librement consommer des substances psychotiques, interdites en France mais tolérées dans la péninsule ibérique « pour un usage personnel, sans vente ni partage ». Parmi elles : des breuvages d’ayahuasca (une liane clandestine d’Amazonie), du Kambo (poison sécrété par les grenouilles) ou encore du bufo alvarius (cristaux provenant des glandes d’un crapaud mexicain). Le tout, lors de rituels où « les hommes toucheraient les corps dénudés des femmes en transe pour faire sortir le mal et entrer le bien », raconte-t-il. Et sous couvert de « médecines ancestrales ». Se méfiant de ces « retraites obscures et onéreuses », Arnaud dit avoir, à plusieurs reprises, tenté de dissuader son ex-femme de s’y rendre. Surtout quand, en 2021, il a découvert une photo de son garçon au milieu d’un groupe, sur un compte Instagram qui n’existe plus mais dont il affirme avoir conservé une capture d’écran.

Plainte et signalement pour dérive sectaire

Cette année-là, il a doublement tiré la sonnette d’alarme et émis un signalement à la Miviludes. Une saisine parmi tant d’autres reçues par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires qui cite ces stages dans son dernier rapport et pointe des infractions sexuelles en état de vulnérabilité et des consommations de produits pouvant entraîner la mort.

Ce mois de novembre, choqué par les propos de son fils aujourd’hui âgé de 8 ans, lui parlant « de la paix qui lave » ou encore de « détoxification à faire à jeun avec une bassine à côté pour vomir », il a porté plainte auprès des Mossos d’Esquadra (force de police autonome de Catalogne) contre son ex-femme pour ne pas avoir protéger leur fils des rites déments et de la doctrine de cette organisation. Plainte qu’Equinox a pu consulter.

Interrogé, le groupement visé par la plainte dit « être parfaitement transparent ». S’il opère en Catalogne, « c’est parce que c’est légal » et affirme « qu’on ne peut pas parler de trafic puisqu’il n’y a pas de vente, ni même de drogues puisqu’il n’y a pas d’addiction ». Il nie également la présence d’enfants lors des cérémonies soulignant faire remplir des fiches de renseignements avant les séjours. Pour ces organisateurs, qui avouent « n’avoir ni diplômes, ni formations mais avoir appris auprès de chamans dans la jungle amazonienne », il s’agirait juste « de techniques de développement personnel et de compréhension de soi, sans apologie, ni emprise ». Un avis que ne partage pas l’avocat spécialisé Manuel Roig : « ces séjours facilitent la consommation illégale de drogues toxiques. Des gens payent, donc ils achètent. C’est ce qu’on appelle un trafic ».

L’affaire est entre les mains de la justice. Arnaud, lui, souhaite que son fils ne retourne jamais là-bas. 

(Source : Equinox, 8.12.2023)

  • Auteur : Unadfi