Bien-être, complotisme et fascisme

Dans un article du mois d’août, The Guardian a analysé, à l’aune de témoignages, les liens unissant la sphère du bien-être à des discours complotistes et même fascistes.

Une Anglaise témoigne avoir constaté que des gens qu’elles fréquentent depuis de nombreuses années au sein de son groupe de méditation ont changé de comportements et de discours à la suite du Covid. Lors de la pandémie, alors qu’elle était à l’hôpital après avoir eu le Covid, une amie l’a appelée pour lui dire qu’elle n’avait pas le Covid mais autre chose car le Covid n’existait pas. Au moment de la levée des restrictions sanitaires, la témoin est retournée dans son groupe de méditation et a remarqué que les discours avaient évolué vers des opinions d’extrême-droite, à la limite du racisme et des discours pro-russes concernant la guerre en Ukraine. Ils ont commencé par remettre en cause le Covid, les normes sanitaires avant de devenir « anti-tout ». Ils prétendent que la BBC diffuse des mensonges et que la vérité est sur Internet. Lors des séances de méditation, le groupe diffuse des vidéos conspirationnistes qui ont convaincu la témoin de quitter le groupe.

Ce témoignage n’est pas isolé, de nombreuses personnes ont pu raconter comment des individus intéressés par les médecines alternatives, la méditation, le développement personnel ont dérivé vers la fréquentation de personnes diffusant des théories conspirationnistes.

Les liens entre bien-être et théorie du complot sont de plus en plus fins et répétés et deviennent une source de préoccupation pour les chercheurs étudiant le complotisme. En Allemagne, Attila Hildmann l’un des dirigeants de la branche allemande de QAnon était auparavant connu comme auteur de livres de cuisine végétalienne.  Il a étendu son influence dans QAnon et dans les cercles d’extrême droite et serait l’un des organisateurs d’une manifestation violente au parlement allemand. Autre exemple, celui de Jacob Chansley connu sous le nom de « chaman QAnon »,  l’un des représentants du groupe ayant participé à l’attaque du Capitole au début de l’année 2021. Il pratique les « arts chamaniques ».

Les mouvements conspirationnistes peuvent attirer de nouvelles personnes par le bien-être, comme des mères de familles. Caroline Criado Perez, autrice de Invisible Women: Exposing Data Bias in a World Designed for Men constate que les femmes se tournent plus que les hommes vers le bien-être et les médecines alternatives. Selon elle, les femmes seraient peut-être plus susceptibles que les hommes de souffrir de maladies auto-immunes, de douleurs et de fatigue chronique. Ces maux sont souvent peu ou pas guéris par la médecine. Elle pointe du doigt un manque de savoir sur la façon dont la maladie se manifeste chez la femme, après des centaines d’années de traitement uniquement du corps masculin. Pour Caroline Criado Perez, afin de lutter contre la tendance au recours aux médecines traditionnelles il faut d’abord améliorer la médecine.

Le new age, omniprésent dans les théories du bien-être, partage avec le complotisme l’idée d’un contre-savoir remettant en question ce qu’ils considèrent comme des idées reçues.  Selon eux rien n’est dû au hasard mais bien le fruit d’un plan délibéré et secret. Peter Knight, professeur d’études américaines à l’Université de Manchester, qui a étudié les théories du complot, note que le lien entre les thérapies alternatives et le complot date d’au moins un siècle et a été largement ignoré.  Il constate aussi une interdépendance entre le bien-être, le conspirationnisme et l’extrême-droite. En effet de nombreux groupes conspirationnistes ou d’extrême-droite se financent désormais grâce à des cours ou des produits de bien-être. Le meilleur exemple est celui du conspirationniste Alex Jones qui a gagné beaucoup d’argent avec sa marque de produits bien-être. 

(Source : The Guardian,02.08.2023)

  • Auteur : Unadfi