Sur son blog hébergé par Mediapart, Olivier Klein, professeur de psychologie sociale à l’Université libre de Bruxelles, a réuni plusieurs auteurs1 afin d’apporter l’éclairage de la psychologie sociale sur les infox et la désinformation. Cet article apporte des éléments de compréhension face à la diffusion et au succès de ces fausses informations ainsi que des pistes pour tenter de les combattre.
Comme signalé et expliqué plusieurs fois dans nos colonnes la pandémie a favorisé la diffusion d’infox sur différentes thématiques : origine du virus, le traitement curatif ou préventif du Covid-19, les politiques sanitaires des différentes organisations mondiales et des gouvernements nationaux.
Dans l’article, les auteurs distinguent infox et désinformation. Cette dernière impliquerait une « intention délibérée et avérée de tromper ». Ils ajoutent que l’articulation des fausses informations en un récit fabriqué et mettant en cause un groupe d’individus qui agiraient secrètement avec des objectifs tout aussi cachés permet de parler de théorie du complot. Internet se place comme le média principal de la diffusion massive des infox et des théories du complot. Aujourd’hui la complexité et l’incertitude de la réalité, qu’il s’agisse de la pandémie ou de sa gestion sanitaire et politique, amène les personnes à chercher des solutions. Une adhésion aux théories du complot offre alors un récit simple face aux questionnements liés à la crise.
Les auteurs remarquent aussi un certain dévoiement du rapport à la science notamment avec la l’idée que la parole d’experts reconnus dans leur domaine est forcément légitime ou bien encore par le relai d’études non publiées aux résultats spectaculaires et médiatiquement attrayante. Cela brouille la démarche scientifique et les éléments légitimant un savoir scientifique (comme par exemple la révision par les pairs d’une étude).
Concernant les sources de l’infox et des théories du complot, ils constatent deux principales sources : d’un côté l’extrême-droite principalement américaine, avec comme exemple probant QAnon2 , et de l’autre des mouvements adeptes des médecines douces souvent opposés à la vaccination et partisans d’un mode de vie prétendument plus « naturel ». Le public visé est bien souvent déjà engagé dans ces mouvements et les infox nourrissent ses croyances, renforcent leur intégration sociale au groupe (cet élément s’avérant important dans le contexte particulier du confinement) et lui permet de faire du prosélytisme. Les infox et théories du complot séduisent des personnes possédant déjà une grille de lecture propice à l’adhésion à de telles informations. Le partage d’une infox est perçu par les adhérents comme une gratification et leur donne l’impression de révéler la vérité. Les infox sont bien souvent perçues comme une information « dissidente » en marge du « discours dominant » et conférent à leurs partisans un savoir différent de celui des « moutons » qui suivent le discours « officiel ».
Concernant les outils pour lutter contre les infox, les auteurs montrent l’efficience limité du fact checking élaboré par plusieurs médias. Les personnes adhérant aux complots ou infox sont en effet peu enclines à consulter ce genre de sites et méfiantes à leur encontre. D’autres pistes pouvant aider à lutter contre les infox sont évoquées, notamment: une plus grande transparence des sources de diffusion de l’information et de leur mode de financement, une transparence accrue sur les algorithmes des réseaux sociaux, le retrait de certains contenus pouvant représenter un danger pour la santé publique ou appelant à la violence.
Enfin, ils évoquent le fait que l’adhésion aux théorie complotistes, à la désinformation et aux fake news marque un manque de confiance dans les autorités. Le problème semble donc provenir du fonctionnement démocratique ; pour les auteurs il s’avère donc nécessaire que ces personnes puissent se sentir représentées.
(Source : Blog Médiapart, 09.06.2020)
1- Liste des auteurs : Olivier Klein, Professeur de psychologie sociale à l’Université libre de Bruxelles, Vincent Yzerbyt, Professeur de psychologie sociale à l’Université catholique de Louvain, Benoît Dardenne, Professeur de psychologie sociale à l’Université de Liège, Laurent Licata, Professeur de psychologie sociale à l’Université libre de Bruxelles.
2- Lire sur le site de l’Unadfi, QAnon prend de l’ampleur : https://www.unadfi.org/domaines-dinfiltration/internet-et-theories-du-complot/qanon-prend-de-lampleur/
Lire l’article complet : https://blogs.mediapart.fr/olivierklein1972/blog/090620/infox-desinformation-complots-covid-19-le-regard-de-la-psychologie-sociale
Sur le même sujet lire aussi deux articles parus durant le mois de juin :
Coronavirus : une difficile lutte contre l’épidémie de désinformation : https://www.pourlascience.fr/sd/sciences-sociales/coronavirus-une-difficile-lutte-contre-lepidemie-de-desinformation-19564.php
Ce que la désinformation sur la Covid-19 révèle sur nous : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1713555/desinformation-fausses-nouvelles-covid-19-coronavirus-psychologie-pandemies-decrypteurs