Les dérives sectaires touchent aussi la vente multiniveau

La vente multiniveau loin d’être en perte de vitesse connaît un regain d’activité depuis l’instauration du statut d’auto entrepreneur. Entre 2008 et 2018, « la création annuelle d’entreprises est passée de 3 500 à 28 400. Les facilités pour s’installer, l’absence de qualification requise, les promesses d’enrichissement rapide à moindre effort, le travail à la carte, contribuent à son succès. Mais son système de recrutement par cooptation, les incitations à investir rapidement, à se former constamment amène à une hyperactivité qui peut être préjudiciable au vendeur.

La vente multiniveau ou MLM est un système « de vente dans lequel les re­vendeurs (ou distributeurs) peuvent parrainer de nouveaux vendeurs, et être alors en partie rémunérés par une commission évaluée en pour­centage sur les ventes des recrues »1. Elle diffère de la vente pyramidale, in­terdite par l’article L. 121-15 du code de la consommation qui « consiste à rémunérer des personnes pour en avoir coopté d’autres grâce aux frais d’inscription payés par ces derniers. »

Cependant, elle n’est pas sans dan­gers et l’augmentation du nombre d’entreprises de vente multiniveau va de pair avec une augmentation des saisines auprès de la Miviludes ou de signalements auprès des services de la répression des fraudes. Dès 2007, la Miviludes avait lancé l’alerte sur des risques d’emprise pouvant occa­sionner « des préjudices financiers, des ruptures parfois dramatiques, jusqu’à l’épuisement physique et un effondrement moral. »

Interrogée à ce sujet par le journal Le Monde, Anne Josso, secrétaire gé­néral de la Miviludes, explique que la structure interministérielle a reçu plus de 250 signalements dans les trois dernières années. Elle précise qu’une centaine concernait la socié­té Akeo, 80 Herbalife, une trentaine, NL International.

La vente multiniveau présente une vi­sion binaire du monde, d’un côté les perdants, ceux qui triment au travail pour un salaire de misère, de l’autre les gagnants, ceux qui ont choisi la vente en réseau. Son principal vec­teur de propagation est aujourd’hui internet et les réseaux sociaux qui permettent de diffuser rapidement de l’information et de contrecarrer les opposants.

Les techniques de recrutement mises en œuvre empruntant au marketing sont éprouvées et ciblent aujourd’hui principalement les 18-25 ans. Cher­chant sur le web le moyen de s’enri­chir rapidement, ils sont amenés par les algorithmes informatiques, vers des vidéos animées par des jeunes, ce qui leur permet de s’identifier à eux et d’être séduits. Ces vidéos at­tractives mettent en scène des en­droits luxueux et de belles voitures. Une fois ferrée, la recrue potentielle est invitée via un système de parrai­nage et enfin a lieu une rencontre physique au cours de laquelle un ani­mateur « tiré à quatre épingles » fait une présentation du système et des bénéfices à en tirer.

Mais la Miviludes constate dans les témoignages qu’elle reçoit de nom­breuses similitudes avec les tech­niques d’endoctrinement employées par les mouvements sectaires : « propositions séduisantes, demande d’investissement de plus en plus im­portante, intégration dans un groupe fermé, discours à la fois valorisant et culpabilisant, changement progres­sif de vision du monde et attaque du système de valeur, acquisition de nouvelles règles, brouillage des re­pères, ruptures avec l’environnement habituel ».

Parmi les entreprises de MLM au suc­cès foudroyant, le journal Le Monde évoque le cas de la firme américaine de vente à domicile de cosmétiques Modere. Implantée en Europe depuis 2015, ses bénéfices d’exploitation sont passés de 1,6 million d’euros en 2017 à 47,1 millions d’euros en 2018. La seule soirée du 12 octobre 2019 ayant réuni 1 800 participantes, a rapporté plus de 88 000 euros seulement pour les entrées.

Pour l’entreprise, « rejoindre Modere n’est pas un choix professionnel, c’est un choix de vie ». Modere pro­met à des personnes sans qualification commerciale un succès rapide et sans effort. La société attire essen­tiellement des femmes, souvent des mamans seules, dont les emplois sont précaires ou en recherche de d’horaires souples. Mais les nou­veaux participants comprennent rapidement que l’essentiel de leur activité doit se concentrer autour du recrutement de nouveaux « social marketer » (SMR) s’ils veulent gagner un peu d’argent. La Miviludes s’in­quiète de la « forme d’urgence en­tretenue par ses groupes à investir, à se former, à acheter des produits ». Pression si forte qu’au mois de mars 2019, une responsable de l’université de Vichy a tenté de recruter parmi ses étudiants.

Les anciens vendeurs savent, quant à eux, ce qu’il en coûte de participer au réseau : suivi hebdomadaire des clients, formations, « participation à des groupes d’entre aide », marke­ting sur les réseaux sociaux. Tout leur temps est consacré à leur activité commerciale.

Depuis quelques mois le fonctionne­ment économique par palier de Mo­dere a été l’objet de signalements au­près de la répression des fraudes.

(Source : Le Monde, 12.11.2019)

  1. Source Wikipédia, article sur la vente multiniveau : https://fr.wikipedia.org/wiki/ Vente_multiniveau
  • Auteur : Unadfi