Nouveau cri d’alerte des associations

« Les sectes, des start-up en pleine expansion » : sur une double page de son édition du 19 décembre 2018, Charlie Hebdo dépeint le paysage sectaire actuel et donne la parole aux associations et à d’anciens adeptes.

Les journalistes analysent la problématique sectaire en pointant du doigt le désintérêt politique ainsi que les difficultés financières pour les associations et les institutions. Catherine Picard, présidente de l’Union nationale des Associations de défense des Familles et de l’Individu victimes de sectes (UNADFI), déplore que rien n’ait été fait depuis le mandat de Lionel Jospin. Selon elle, ce désengagement explique la baisse du financement pour toutes les associations. De son côté, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) a perdu 30% de subventions. Pour Serge Blisko, son président, ces réductions empêchent le travail en profondeur alors que la perte du sens critique et les théories conspirationnistes gangrènent la société française. Il note aussi qu’aujourd’hui de nouvelles structures apparaissent et prospèrent en grand nombre sur les réseaux sociaux. La prolifération des pratiques non conventionnelles, des théories complotistes, le bio, l’augmentation du nombre d’ouvrages sur le bien-être et la méditation peuvent être des portes d’entrée pour les mouvements sectaires. Olivier Morice, avocat, évoque « la nouvelle tendance sectaire » dans laquelle les personnes s’embarquent dans des activités liées au bien-être, au jeûne, à la méditation ou encore dans un refus de la médecine jusqu’à perdre « tout sens commun ». Dans le même article, l’avocat parle de la Scientologie. Après leur condamnation en 2013, plusieurs dirigeants ont disparu ou alors fui à l’étranger.

Catherine Picard remarque des dénominateurs communs entre certains groupes sectaires et groupes d’extrême droite. Les deux s’appuient sur des thèses complotistes expliquant que la société française est vouée à disparaître. Selon elle, « c’est le début d’une tornade qui remet en question toutes les avancées scientifiques ».

Pour Jean Claude Dubois, président du Centre contre les manipulations mentales (CCMM) du Centre Val-de-Loire, les mouvements sectaires pénètrent aussi le domaine de la formation. Il déplore que dans sa région les mouvements prolifèrent sous forme de nébuleuses, de réseaux. Les gourous auraient des liens entre eux. Il constate que les médecines alternatives s’implantent dans des territoires qui ne sont plus couverts par des médecins.

Alors que les pouvoirs publics semblent indifférents à la problématique, les associations reçoivent de nombreux témoignages. Dans leur travail quotidien, les associations aident les victimes. Charlie Hebdo revient sur le cas d’une adepte du Parc d’accueil1, groupe mené par Françoise Dercle, accompagnée par l’UNADFI. La gourelle a mis sous emprise des dizaines de personnes et a été condamnée à cinq ans de prison ferme mais elle n’a effectué que la moitié de la peine. Les journalistes de l’hebdomadaire ont aussi assisté à un séminaire dans lequel, un ancien élève et professeur des écoles Steiner, Grégoire Perra2 a présenté l’anthroposophie3 et ses dangers.

(Source : Charlie Hebdo, 19.12.2018)

1. Lire sur le site de l’UNADFI, l’ensemble des articles sur le Parc d’Accueil : https://www.unadfi.org/mot-clef/parc-daccueil/

2. Lire sur le site de l’UNADFI, L’endoctrinement à l’Anthroposophie dans les écoles Steiner-Waldorf : https://www.unadfi.org/groupes-et-mouvances/l-endoctrinement-a-l-anthroposophie-dans-les-ecoles-steiner-waldorf/

3. Lire sur le site de l’UNADFI, Le mouvement anthroposophique : https://www.unadfi.org/groupes-et-mouvances/le-mouvement-anthroposophique/

Lire aussi Les leçons d’un procès : le Parc d’Accueil de Lisieux : https://www.unadfi.org/boutique/publication/les-lecons-d-un-proces-le-parc-d-accueil-de-lisieux/

Fin décembre, un article de la Charente Libre est venu appuyer les idées évoquées dans l’article de Charlie Hebdo. Annie Guibert, présidente du Centre contre les manipulations mentales se désole que certains ministères ne répondent même plus aux demandes de subvention de son association et Catherine Picard note qu’aucun groupe parlementaire n’est en charge de dérives sectaires à l’Assemblée nationale. Selon la présidente de l’UNADFI, le manque de prévention et la baisse de réflexion sur le sujet entrainent une « banalisation des pratiques ». Dans une optique similaire, Serge Blisko déplore qu’il faille des grands drames pour que l’opinion s’intéresse au sujet sectaire. Le président de la Miviludes reconnait que les nouveaux députés semblent peu sensibles aux dérives sectaires. L’enjeu pour la mission étant de réussir à les intéresser à la problématique.

(Source : Charente Libre, 25.12.2018)