Remous à La Salvetat-sur-Agout

Depuis l’installation en 2015 d’une trentaine de personnes gravitant autour du groupe musical Les Brigandes1, la commune de La Salvetat-sur-Agout (Hérault) voit sa population se diviser. Les paroles des chansons aux relents complotistes et identitaires de ce septuor exclusivement féminin ciblent les musulmans, les juifs, les homosexuels, les francs-maçons, les « gauchistes »… avec des titres sans équivoque « Foutez le camp », « Le grand remplacement », « On vous emmerde »…

Initialement, le groupe s’appelait les Ultra Sixities et se produisait gratuitement dans des maisons de retraites ou des bals populaires de la région. La véritable idéologie qui l’anime s’est progressivement dévoilée et en 2016 le groupe s’est rebaptisé les Brigandes, se revendiquant contestataire, anticonformiste et anti système. Ces chanteuses appartiennent à une communauté dont les membres ne cessent de remettre en cause la société. Depuis la rentrée 2017, cinq enfants de la communauté ont été déscolarisés, leurs parents contestant les programmes scolaires. Le petit clan ouvre une boutique dans le village proposant, entre autres ouvrages, Mein Kampf.
Pourtant, les Brigandes divisent tout le monde, même l’extrême droite. Jérôme Bourbon, de Rivarol2, est ouvertement contre et les considère comme des « dégénérées », alors que Synthèse Nationale et la Ligue du Midi les soutiennent.

Le groupe s’est installé dans une grande bâtisse quasiment impénétrable située à six kilomètres de  La Salvetat. Pensant que l’arrivée de ces trentenaires allait re-dynamiser le village, Thibault Estadieu, le maire de La Salvetat-sur-Agout, s’est d’autant plus réjouit que le clan s’est fortement investi dans la vie de la commune en ouvrant un cabinet de réflexologie et un atelier de peinture. Il a affirmé qu’il était « hors de question de faire la chasse aux sorcières » à des habitants de la commune « qui ne dérangent personne localement, en dehors de ceux qui ne partagent pas leur idéologie et font une fixation sur leur mode de vie ».

Pour un habitant du village, « il y a une stratégie véritablement sectaire pour contrôler un village affaibli économiquement, en divisant les gens et en noyautant les associations ». A Salvetat–sur Agout, les tensions sont perceptibles entre les « pour » et ceux qui, comme Thierry Canals ou Christophe Pourprix, sont opposés au groupe. Le premier dénonce leurs idées fascistes et le second a lancé une pétition3 demandant aux pouvoirs publics de faire stopper la propagande du groupe. Les deux ont porté plainte contre le groupe suite à des menaces proférées à leur encontre.

Les Brigandes ont avant tout une démarche communautariste. La société étant à leurs yeux, régie par une gouvernance mondiale qui fait des gens des « robots consommateurs », elles proposent de fonder des villages communautaires « anti système » pour « lutter contre la dégénérescence de la civilisation européenne ». Les messages véhiculés par les Brigandes reflètent essentiellement la pensée de leur mentor, Joël Labruyère, qui tient les rênes du groupe depuis la société Barka Production.

La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) aurait reçu une bonne dizaine de signalements à propos de la communauté. Joséphine Cesbron, présidente de l’Adfi Hérault, explique quant à elle que l’inquiétude est réelle de la part des habitants de la petite commune : « Particuliers et associations nous appellent pour nous signaler que ces hommes et ces femmes sont totalement sous l’emprise de leur gourou Joël Labruyère ».

Une plainte collective a été déposée en janvier 2015 dans les Hautes-Pyrénées (département où résidait auparavant le groupe) par cinq ex-adeptes qui accusent Joël Labruyère d’abus de faiblesse, de travail dissimulé et de violences volontaires. Dans cette plainte, dont l’AFP a obtenu une copie, les ex adeptes décrivent la totale soumission exigée par un chef aux monologues interminables, qui diabolise la société extérieure, amène les jeunes gens à rompre avec leur famille, leurs amis, contrôle les comptes bancaires personnels, capte des héritages. »
Me Rodolphe Bosselut, l’avocat des victimes, qui a demandé le dépaysement du dossier à Paris, déplore la lenteur de l’instruction.

La communauté a été placée sous la surveillance de de la Direction centrale du renseignement intérieur.

(Sources : Sud-Ouest, 02.01.2018, Le Parisien, 02.01.2018, France Bleu, 03.01.2018, La Dépêche, 04.01.2018, BFM TV, 04.01.2018, Paris-Normandie, 19.01.2018 & France Inter, 20.01.2018)

1. Surnom que donnaient les républicains aux insurgés royalistes vendéens pendant la Révolution française.

2. Rivarol est un hebdomadaire français d’extrême droite se réclamant de l’« opposition nationale et européenne », fondé en 1951 par René Malliavin. (Source : Wikipedia)

3. A ce jour, cette pétition a recueilli près de 15000 signatures

À lire sur le site de l’Unadfi :

– Une communauté démasquée : https://www.unadfi.org/groupe-et-mouvance/une-communaute-demasquee

– Conflits sur le fief des Brigandes :
https://www.unadfi.org/groupe-et-mouvance/conflits-sur-le-fief-des-brigandes

 

À savoir

Né en 1948 à Rouen, Joël Labruyère, ésotériste anti système, est le fondateur, en 1996, de l’Omnium des libertés, un collectif censé défendre les minorités spirituelles qui seraient, comme lui, persécutées par l’État. Il a vécu tour à tour dans l’Orne, en Belgique, dans les Pyrénées, en Espagne.
Selon Serge Blisko, président de la Miviludes, « Labruyère a créé plusieurs sectes sous des pseudos (Elihoé, Mister Kevin ou Joël Barka), comme le Nouvel Ordre mondial, l’île Blanche », le Royaume elfique ou la Nation libre ».