Que sait-on de …? Des Davidiens (Branch Davidians)

Waco

1. Origines du groupe

Le groupe a été fondé en 1935 par Victor Houteff, un ancien adventiste. Bâtissant sa doctrine sur l’idée de l’imminence de l’apocalypse, Il s’établit dans la ville de Waco (Texas),  sur un campus aride baptisé « Mont Carmel ».. À sa mort, en 1955, sa femme lui succède. Elle annonce le début des « derniers jours de la création » pour le 22 avril 1959. Rien ne s’étant produit, elle dissout le groupe.Quelques adeptes restent sur place. À leur tête Benjamin Roden qui prétend être le successeur du roi David.
En 1984, Vernon Howel (qui se rebaptisera lui-même David Koresh[1] en 1990), est exclu des Adventistes du Septième Jour et rejoint les Branch Davidians. Il entre vite en conflit avec Benjamin Roden. Chassé, ce dernier fonde à proximité une autre communauté. Les deux groupes entrent dans une confrontation armée. Koresh et quelques adeptes seront inculpés pour tentative de meurtre, mais aucun ne sera condamné.
 
2. Fonctionnement du groupe

  • Doctrine

Comme ses prédécesseurs, David Koresh fonde sa doctrine sur l’approche de la fin des temps et la crainte de catastrophes plus profanes (nucléaire, révolution). Il affirme que l’humanité renaîtra au Mont Carmel lors du jugement dernier. Koresh prépare ses adeptes, mentalement et physiquement, à la bataille finale contre les incroyants et leur impose un mode de vie survivaliste : entraînement para-militaire, jeûne, réserve d’armes et de nourriture, construction d’un bunker.
Le « prophète » a pour mission d’engendrer les 24 « Anciens » de l’apocalypse (référence biblique) qui jugeront l’humanité à la fin des temps. A cette fin, il épouse les femmes du groupe les unes après les autres. Il s’arroge le droit exclusif de la procréation – les autres hommes sont séparés des femmes, y compris des leurs. Certaines de ses « épouses mystiques » n’ont que 14 ans. Il justifiait ces relations sexuelles avec de jeunes mineures par le fait qu’il devait être un « Jésus pécheur », c’est-à-dire avoir une expérience du péché pour juger les autres lors du Jugement dernier.
 

  • Conditions de vie des adeptes

La vie quotidienne, rythmée par les sermons bibliques de Koresh, est extrêmement difficile : travail pénible, privation de nourriture et de sommeil, punitions physiques et humiliation en cas de non-respect des règles. L’exaltation est maintenue par la projection des films favoris de Koresh.
Seuls ceux qui travaillent à l’extérieur pour ramener de l’argent sont autorisés à sortir. Les femmes s’occupent des travaux ménagers et des enfants. Elles sortent rarement. Les plus âgés donnent leur pension de retraite et leurs bons alimentaires. Les journaux et la télévision sont interdits. Les anniversaires ne sont pas fêtés. Koresh ne s’appliquait pas les règles d’austérité qu’il imposait aux autres ; pour lui, bière, viande, air conditionné, télé…
 

  • Les conditions de vie des enfants :

L’éducation des enfants est basée  sur les privations et les punitions. Une latte appelée, « assistant » (helper) est utilisée pour les châtiments physiques.
Selon Koresh, les enfants doivent se comporter en adultes dès leur plus jeune âge. Un bébé de huit mois doit savoir distinguer le Bien du Mal. Ainsi, un couple d’ex-adeptes a dû assister à une séance de quarante minutes de coups de latte infligés par Koresh à leur fille âgée de neuf mois car elle n’avait pas voulu rester assise sur ses genoux devant le groupe.
Comme les adultes, les enfants, en particulier les garçons, sont préparés à l’apocalypse. Chaque jour, ils doivent se lever à 5h30 pour effectuer des exercices paramilitaires.
Les enfants ne sont pas scolarisés. Ils apprennent à lire lors de l’enseignement biblique pris en charge par Koresh. Il n’est pas rare qu’il parle ouvertement de sexe et plus particulièrement aux filles.
L’autorité parentale est complètement niée. Koresh s’est arrogé le titre de père et oblige les enfants à appeler leur parent « les chiens ». Il nommait « bâtards » les enfants qui n’étaient pas de lui.

3. Le drame de Waco

  • Les assauts

En vue de l’apocalypse, le groupe avait fait d’importantes réserves d’armes. Les nombreux transports d’armes finissent par attirer l’attention des autorités fédérales. Le groupe est en possession de 36 000 kg de munitions, de grenades et de pièces détachées servant à reconstituer plusieurs centaines d’armes automatiques ou semi-automatiques.La détention d’armes automatiques étant illégale, des agents du BATF (bureau des alcools, tabacs et armes à feu, dépendant du ministère des finances) se présentent au ranch munis de mandats de perquisition et sont accueillis par des tirs qui feront quatre morts parmi les agents fédéraux. C’est ainsi que, le 28 février 1993, débute le siège de Waco. Il durera 51 jours.
 
En signe de bonne volonté, Koresh libère onze adultes et vingt et un enfants. Les négociations se poursuivent car de nombreux adeptes sont encore retranchés à l’intérieur du ranch. En vain. La situation est bloquée.
Le 12 mars, espérant faire sortir les adeptes, les autorités coupent l’électricité. Le FBI appelé en renfort tente de déloger les assiégés par tous les moyens : hélicoptère, bruit assourdissant, projecteurs braqués la nuit, négociations téléphoniques.
 
Le 19 avril, lassées de ce manège, les autorités décident de donner l’assaut. Promettant de ne faire aucun mal aux assiégés, des tanks défoncent les murs du ranch pour envoyer du gaz lacrymogène. Vivant depuis des années en vase clos, dans un climat de paranoïa exacerbée par les sermons du gourou, les adeptes sont persuadés qu’ils ont affaire à l’assaut final des forces du mal contre les élus. Ils sont prêts à mourir pour Koresh et rejoindre le paradis qu’il leur a promis en échange de leur sacrifice. Equipés de masques à gaz, ils ne sortent pas. Un énorme incendie se déclare, provoquant l’explosion des munitions. Seuls neuf adeptes échapperont au drame. Le nombre de morts est estimé à 72. Aucun enfant n’a survécu.
 

  • Les controverses

Cet assaut a suscité beaucoup de controverses. Qui a mis le feu ? Koresh, pour réaliser ses prophéties ? Les tanks ? Une lampe à pétrole accidentellement renversée ?
Le drame aurait-il pu être évité ? Les autorités ont-elles pris au sérieux les avertissements des familles d’adeptes ?
Dans un rapport remis le 3 janvier 1992 au Consulat américain de Melbourne, l’australien Geoffroy Hossack, ancien policier envoyé à Waco par des familles d’adeptes, avait mentionné les potentielles menaces :

  • un massacre final, style Jonestown,
  • un acte bizarre, tel que l’assassinat d’un personnage public,
  • une confrontation armée avec les autorités.

Selon le Consulat, les informations auraient été remises au Département d’Etat américain qui les aurait ensuite communiquées au FBI et au BATF.
Hossack s’était également déplacé à Waco pour présenter ses documents au Département de la Sécurité Publique du Texas. Étaient aussi présents un procureur fédéral, le procureur du district et un représentant du bureau du shérif local. Tous ont prétendu que l’affaire ne relevait pas de leur responsabilité. Le procureur fédéral a néanmoins accepté d’ouvrir une enquête sur de possibles mariages blancs et l’usage d’armes par des étrangers.
 
Suite à l’assaut, les familles des morts ont porté plainte contre l’Etat américain, mais elles ont été déboutées. Les raisons de l’intervention du BATF ont été sévèrement critiquées. En particulier sur le contenu du mandat de perquisition – le groupe ne possédait  en réalité pas d’armes automatiques – et sur les méthodes utilisées. Les hélicoptères ont été utilisés en dehors de la procédure légale.
 
Des erreurs tactiques ont également été reprochées aux autorités. Selon des sociologues, les négociateurs n’ont pas suffisamment pris en compte la particularité de la vision du monde propre aux adeptes. Pire, leurs tentatives de désendoctrinement les ont radicalisés.
Par ailleurs, l’autopsie des corps retrouvés dans le ranch aurait démontré que plusieurs enfants seraient morts suite aux inhalations des gaz lacrymogènes. Et certains adultes auraient eu le crâne fracassé et le corps criblé de balles, étayant la thèse de l’intervention d’un commando de la Delta Force.
Deux ans après le drame une commission d’enquête a procédé à des auditions pour tenter de déterminer les éventuelles erreurs commises par les autorités.
Concernant l’incendie,  des enregistrements démontrent  que des adeptes auraient émis l’idée d’allumer un incendie, a estimé le sénateur Charles Schumer. Si le ranch était sur écoute, se pose alors la question de savoir pourquoi les autorités n’ont pas stoppé l’assaut connaissant l’éventualité d’un suicide collectif. D’après le rapport, cette information n’aurait pas remonté la chaîne de commandement.
 
De nombreuses zones d’ombres demeurent, mais sans doute les autorités ont-elles sous-estimé l’importance de l’endoctrinement d’ adeptes capables, lorsqu’ils sont poussés dans leurs derniers retranchements, de croire que la mort est la seule issue pour leur salut.

 


[1] Koresh est la forme hébraïque de Cyrus, le roi de Perse qui conquit la Mésopotamie et permit aux Juifs exilés à Babylone de rentrer dans leur pays.