La Famille : Une communauté restée invisible pendant 200 ans

Nicolas Jacquard livre pour Le Parisien une enquête sur La Famille, une communauté religieuse secrète existant depuis deux siècles au cœur des XIe , XIIe , XXe arrondissements de Paris. Elle est récemment apparue au grand jour sous l’impulsion d’une dizaine d’anciens membres qui ont créé un groupe Facebook pour lever le secret et révéler les problèmes occasionnés de la vie communautaire en vigueur dans le groupe.

Le groupe compte 3000 membres, seules huit familles s’y côtoient. Cette particularité s’explique par le fait que la Famille ne recrute pas, c’est une communauté à laquelle on appartient par la naissance et où les adeptes ne se marient qu’entre eux. La quitter signifie une rupture totale avec ceux qui y sont restés.

Ce mouvement est paradoxal. Malgré son implantation en plein cœur de Paris et la scolarisation des enfants dans des écoles publiques, ses membres vivent repliés en minimisant les contacts avec l’extérieur.

Le journaliste a été alerté par des employés de l’Éducation nationale étonnés que depuis des décennies de nombreux enfants portant les mêmes patronymes se succèdent génération après génération. Si la majorité d’entre eux semblent aller bien, le corps enseignant a noté qu’ils se tiennent en retrait des autres élèves. Leurs parents les amènent à l’heure pile en classe, ils ne mangent pas à la cantine, ne participent pas aux activités de l’école, ne vont jamais en classe verte, et ne se mélangent pas avec leurs camarades.

L’enquête mènera ensuite vers une habitante du quartier dont les enfants étaient scolarisés avec des enfants de La Famille. Intriguée elle a décidé de faire des recherches pour découvrir en quoi ils semblaient liés entre eux et elle a découvert l’existence des huit patronymes, dont elle a réussi à remonter la généalogie jusqu’au XIXe siècle.

C’est la connaissance de ces huit patronymes qui a conduit Vincent Jacquard jusqu’au groupe Facebook des ex-membres de la Famille. Conscientes des répercussions sur leurs relations, ces personnes ont fait le choix de se retirer de la communauté pour vivre dans le monde décrit pendant toute leur enfance comme un lieu de péchés dangereux. Intéressé par leur histoire, le journaliste les a interrogés sur leur vécu au sein de La Famille. Si certains membres s’y épanouissent, d’autres souffrent de l’enfermement et du conditionnement au rejet du monde extérieur, la seule voie du salut étant La Famille. D’autres se plaignent d’avoir eu à subir des discours culpabilisants leur expliquant que le décès de proches était une punition divine due à la défection d’autres membres.

Saluant le courage des anciens membres qui ont participé à son enquête, le journaliste a essayé de contacter le leader de la communauté, mais « La Famille est un troupeau sans berger ». Il y a des membres influents, mais il n’y a pas de chef. Aucun membre n’a répondu à ses sollicitations.

Au cours de son enquête il a découvert une note de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) datant de 2017. S’étant penchée sur la situation des enfants du groupe, la Mission avait conclu que l’isolement pouvait avoir des conséquences pernicieuses sur leur développement et appelait les services sociaux à la vigilance.

(Source : Le Parisien, 21.06.2020)

À ÉCOUTER

 

Entretien en deux parties avec le journaliste qui a mené l’enquête à écouter sur le podcast du Parisien Code Source :

Partie 1 : https://www.leparisien.fr/podcasts/code-source/la-famille-enquete-sur-une-communaute-religieuse-secrete-de-l-est-parisien-24-06-2020-8341410.php

Partie 2 : https://www.leparisien.fr/podcasts/code-source/la-famille-enquete-sur-une-communaute-religieuse-secrete-de-l-est-parisien-partie-2-25-06-2020-8342046.php

  • Auteur : Unadfi