Vente multiniveau / emprise sectaire : des processus similaires ?

Dans une série d’articles publiés sur le site d’information Les Jours, des journalistes se sont penchés sur des entreprises de vente multiniveau. L’analyse de leurs activités, les témoignages d’ex-adeptes et la parole de spécialistes montrent de nombreuses similitudes entre leurs fonctionnements et celui de l’emprise sectaire.

Dans un témoignage, un ex-membre d’un groupe de vente multiniveau utilise un vocabulaire spécifique pour parler de son histoire : adepte, manipulation, endoctrinement, secte. Ces termes sont ceux fréquemment utilisés pour évoquer des dérives sectaires. Il note aussi la difficulté de sortir du groupe mais aussi les différentes ruptures générées volontairement par ces sociétés. Dans un autre témoignage, un jeune homme constate que certains de ses supérieurs dans une société multiniveau pensent être des « élus » parlant « d’énergies » et se qualifiant d’« êtres à part ». Il évoque que ces personnes auraient été formées par un promoteur du marketing multiniveau, également pasteur dans un mouvement évangélique.

La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) alerte depuis de nombreuses années sur ces sociétés. Anne-Marie Courage, conseillère de la Miviludes chargée du pôle affaires économiques, travail, emploi et formation professionnelle constate que les mécanismes d’endoctrinement sont similaires au mécanisme de l’emprise mentale et que les personnes touchées par ce phénomène passent par les trois phases de l’emprise : la séduction, la déconstruction et la reconstruction.

Les jeunes sont un public de plus en plus touché par ce phénomène, happés par les promesses de gains rapides et conséquents. Les différents témoignages signalent que, dès les premiers contacts, on leur fait miroiter une richesse potentielle et ’une vie rêvée loin du salariat qu’ont pu connaitre certains de leurs proches.

Les recruteurs passent beaucoup de temps avec les nouvelles recrues afin de connaître leur vie personnelle et leurs relations et de pouvoir les utiliser par la suite à des fins de manipulation. La séduction cède ensuite la place à la déconstruction. Les individus se voient inculquer un discours formaté pour répondre aux inquiétudes de leurs proches et subissent des pressions pour développer toujours davantage leur réseau. Ils sont formés à différentes techniques pour recruter ressemblant à de la manipulation mentale. Dans certaines sociétés, on fournit aux adeptes un document donnant les réponses -type aux réserves que pourraient avoir de potentielles recrues. Ensuite les formateurs vont inculquer une nouvelle façon de penser qui amène les individus à rompre avec leur environnement d’origine que ce soit le travail, les proches ou l’école.


Notre association comme la Miviludes reçoit de nombreux appels et signalements concernant ce sujet. Cela montre que les victimes ou leurs proches analysent la situation comme similaire à l’emprise sectaire et se tournent vers l’Unadfi pour obtenir de l’aide et de l’accompagnement. Pour l’anthropologue Nathalie Luca qui a étudié de près ce phénomène à son début aux Etats-Unis, le marketing multiniveau s’est ancré dans une idée de la culture du rêve américain imprégnée de l’éthique protestante du capitalisme. Elle n’hésite pas à rapprocher ce marketing de la théologie de la prospérité qui promet aux fidèles qui donnent à leur église de voir la réussite de leurs vies, la prospérité et une bonne santé. En France, après son arrivée dans les années 1990, le marketing multiniveau a gommé ces origines religieuses afin de pouvoir prospérer.

(Sources : Les Jours, 07.02.2022 & 21.02.2022)

Lire l’intégralité des articles sur le site de Les Jours (payant) :
https://lesjours.fr/obsessions/arnaque-marketing-sectaire/ep5-vente-pyramidale/
https://lesjours.fr/obsessions/arnaque-marketing-sectaire/ep4-emprisesecte/
Lire sur le site de l’Unadfi, l’intégralité des articles sur la vente multiniveau :
https://www.unadfi.org/mot-clef/reseaux-de-distribution-vente-multiniveau/

  • Auteur : Unadfi