Laura McConnell est une australienne de quarante ans qui a grandi selon les préceptes d’une Église fondamentaliste chrétienne, sans dénomination particulière, présente majoritairement en Australie, en Europe et aux États-Unis. Enfant, les injonctions qu’elle y recevait, visant à la couper le plus possible de la société, lui paraissaient totalement normales. Jusqu’à ce qu’elle déménage dans la grande ville de Melbourne pour y entamer des études universitaires.
Petite, Laura est encouragée à ne faire confiance à aucune personne étrangère au groupe, à ne pas s’habiller comme ses camarades d’école ni jouer avec eux, et pour cause : ils tenteraient d’introduire en elle « le Diable ». D’après leur interprétation de la Bible, les filles et les femmes doivent porter des tenues longues qui recouvrent les chevilles, et ne pas porter les cheveux courts. L’accent est placé sur l’acte de dévotion et le sentiment de souffrance : Laura se rappelle les réunions moroses où les membres échangent les uns avec les autres les récits des tourments qu’ils subissent. Ils se réunissent deux fois par semaine chez l’un ou chez l’autre, le groupe ne disposant pas de lieu de réunion. En outre, il ne s’appuie sur aucune doctrine écrite et n’a pas de pasteur à sa tête.
C’est en grandissant que Laura commence à remettre en question certains des enseignements qu’on lui a inculqués. Elle observe entre autres des contradictions dans le comportement de certains membres, dont ses propres parents, qu’elle décrit comme « vivant une double-vie » : à la défense de la clémence et de l’altruisme se mêlent des attitudes malveillantes proches de l’abus.
A dix-huit ans, à l’occasion de son déménagement dans la ville de Melbourne pour ses études, Laura commence à s’éloigner de l’Eglise. Elle avait bien l’intention de retrouver ses marques dans la branche de l’Eglise présente à Melbourne, mais elle réalise qu’elle n’est pas accueillie comme une des leurs. A leurs yeux, elle est une nouvelle venue aux projets incompatibles avec l’image de l’Eglise, n’étant pas mariée et prévoyant de suivre des études.
Après un temps de réflexion, elle prend la décision de couper tout lien avec l’Eglise. Ses parents, honteux, l’excluent de la famille.
Tout ceci s’est passé il y a vingt ans, et Laura souffre encore de la séparation d’avec sa famille et d’avec tout ce qui a constitué sa vie jusqu’à ses dix-huit ans. Le souvenir rude de ses difficultés à vivre dans une société dont elle n’avait ni les codes ni les références, et à établir le contact avec des jeunes de son âge persiste encore dans son esprit. Aujourd’hui mariée et mère d’un enfant, elle est comblée mais pas guérie : « Je pense que vous gardez constamment à l’idée que vous n’avez pas de famille, que vous avez perdu beaucoup, que vous ne serez jamais totalement adaptée… Vous vous sentez en permanence comme un étranger ».
(Source : Mamamia, 21.09.2021)