Une enfance brisée par des coups et des brimades

Joseph Fert, 31 ans s’exprime sur son enfance et une partie de son adolescence passée dans la communauté religieuse de Malrevers (Haute-Loire). Dix-huit ans après être sorti du groupe, il raconte le calvaire qu’il a vécu durant 13 ans, évoquant des actes de torture et de barbarie à son encontre.

Dès l’âge de 5 ans il se souvient avoir été battu pour avoir écrit le mot crotte en classe. Albert, le chef de la communauté, alors trop âgé, le fera rosser par son bras droit et futur successeur Joël Fert qui deviendra aussi le tortionnaire de Joseph.

D’après Joseph chaque bêtise ou erreur était immédiatement sanctionnée par des coups de poing, coups de pied ou coups de bâton suivis de la « réelle punition ». Il se rappelle avoir été mis à l’isolement pendant plusieurs jours au sous-sol, parfois dénudé pour qu’il ait plus froid. Une autre punition consistait à rester agenouillé pendant des heures dans des graviers en portant à bout de bras des boules de pétanque sans bouger sous peine d’être battu.

Le plus souvent c’était Joël Fert qui administrait les corrections, mais il était courant que d’autres adultes le fassent aussi.

Malgré cela, il ne songeait pas à quitter la communauté, jusqu’à 2003 où tout bascule. Les maltraitances subies par son cousin Franck au sein du groupe sont repérées et signalées par une enseignante du collège où il est scolarisé. Son témoignage mènera à l’ouverture d’une enquête. Afin d’éviter des ennuis, les dirigeants de la communauté décident d’exclure tous les membres susceptibles de témoigner en leur défaveur. Joseph, son frère et son père sont chassés du jour au lendemain. Alors âgé de 14 ans, Joseph ne s’installe pas avec son père, mais choisit d’être accompagné par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Il sera placé dans plusieurs familles différentes jusqu’à sa majorité. Pour s’assurer qu’il gardera le silence, Joël lui a rendu visite à Dijon où il habite afin qu’il modifie son témoignage. Il a obtempéré. Leur mère restée dans le groupe en sortira quelques mois plus tard

Mais vivre hors de la communauté est très difficile. Coupés du monde extérieur, ses membres ne possèdent aucun bien, tout est mis en commun. Tous les adultes sont considérés comme des oncles ou des tantes par les enfants qui sont séparés de leurs parents et élevés ensemble. Jusqu’au CM2 l’école est dispensée au sein du groupe. Les enfants ne sortent qu’à partir de la sixième pour aller au collège. Quant aux adultes ils travaillent six jours sur sept pour la société de textile Interstyl qui produit des vêtements haut de gamme pour le marché du luxe.

Aujourd’hui Joseph se reconstruit, mais les stigmates de son enfance sont encore bien présents et pour éviter d’y penser il se noie dans le travail et les activités. Sans l’enquête sur la Famille, une communauté liée à celle de Malrevers, publiée dans le Parisien en 2020 par Nicolas Jacquard, Joseph aurait gardé tout cela pour lui.

(Source : France 3 Régions, 07.10.2021)

  • Auteur : Unadfi