Une des femmes du leader polygame témoigne

Lynette Warner était l’une des nombreuses femmes du gourou polygame, Warren Jeffs, prophète autoproclamé de l’Église fondamentaliste de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours condamné à perpétuité pour agression sexuelles sur mineures.

Dès son plus jeune âge, on lui a appris à penser que, pour un enfant, avoir plusieurs mères est un privilège, « une bénédiction » et que le « salut éternel » dépend de ce que l’on fait de son vivant. L’enseignement des enfants est basé sur des codes internes à la communauté qui ne leur permettent pas de communiquer avec l’extérieur.
 

Mariée à l’âge de 18 ans, Lynette Warner a rapidement réalisé qu’elle allait devoir gagner sa liberté et quitter la communauté. Lorsqu’elle tentait de fuir, elle était enfermée dans les maisons réservées aux rebelles, dites « maisons de clandestinité ». La vie y était tellement rude qu’elle a souvent pensé mettre fin à ses jours. Ses appels au secours ne suscitaient aucune attention, aucune compassion.
Après huit tentatives d’évasion, Lynette parvient à s’enfuir. Cet acte de désobéissance a induit chez elle un véritable choc psychologique et une peur traumatique qui lui valurent plusieurs séjours à l’hôpital pour syndrome de stress post-traumatique.
 

Pour un adepte, la peur de trahir sa foi est aussi efficace qu’un pistolet sur la tempe. Christine Marie Katas, ex-membre d’une secte polygame l’explique ainsi : « Les gourous prédateurs utilisent des tas de méthodes pour amener les femmes à vivre dans la peur. Ils activent la partie émotionnelle du cerveau pour désactiver la pensée rationnelle ». Elle se souvient que sa pensée critique avait été annihilée par son obsession à survivre et en situation de survie les choix ne sont plus libres, ils sont dictés par les reflexes de survie.

Christine Marie Katas a fait un pas vers la liberté lorsqu’elle a pris conscience des incohérences de ce qu’on lui enseignait et des injustices qu’elle subissait.
Ceux qui sortent de tels cauchemars sont terrifiés à l’idée de livrer leurs histoires aux médias et d’affronter l’incompréhension car ils n’évoquent jamais le processus psychologique d’emprise mentale. Les médias montrent, par des « faits divers », les horreurs de la violence religieuse mais jamais ce qui la rend possible. Les films, les émissions ne traitent pas de tout cela. Le grand public a besoin d’être informé sur la psychologie, sur le mode de fonctionnement des prédateurs, des psychopathes.

Les adeptes des sectes ne sont pas des personnes stupides ; la plupart du temps, ils sont idéalistes et instruits. Aucun ne rejoint un groupe sectaire, ils rejoignent un groupe qui peut rendre le monde meilleur.

Pour Lynette Warner, les principales victimes sont les femmes et les enfants. Les règles sont strictes et laissent peu de place au choix. Tout est contrôlé, de la nourriture aux vêtements. Les médias et la culture sont prohibés. Seuls les hommes sont autorisés à travailler à l’extérieur. Les femmes sont cantonnées aux tâches ménagères, chacune ayant un rôle spécifique au sein du foyer : l’une sera cuisinière, l’autre couturière… Lynette Warner confirme que, de sa prison, Warren Jeffs continue d’exercer son pouvoir sur les membres de la communauté avec des consignes de plus en plus strictes : il a fait et défait des couples, assigné les « semenciers » à continuer assidument leur mission de « reproducteur », exhorté certains membres à quitter Colorado City notamment les femmes qui ne parviennent pas à être enceintes.

Désormais libre, Lynette Warner envisage d’entreprendre des études de psychologie afin d’aider les enfants nés dans la polygamie. Elle veut notamment leur apprendre que sans choix, il n’y a pas de liberté. Et, sans la liberté, la vie devient rien de plus qu’une recherche pour trouver le moyen de survivre.

(Source : St George News, 21.11.2015)