Un prêtre accusé de violences sexuelles exclu du clergé

Le prêtre Benoît Moulay, issu de la communauté de l’Emmanuel, est accusé d’avoir commis des violences sexuelles sur plusieurs femmes pendant une quinzaine d’années. Il a été exclu du clergé en 2023… Mais il aura fallu quatre années de batailles à deux victimes pour en arriver là.

L’une est originaire du Mans, l’autre de Rennes. Ces deux femmes se sont rencontrées par hasard mais se sont découvert un point commun, toutes deux se disant victimes du père Benoît Moulay, aujourd’hui âgé de 54 ans. Ensemble, elles ont trouvé la force de faire ce qu’elles n’osaient pas isolément et ont mené un combat pour que la vérité éclate. Après de longues tergiversations de l’évêque du Mans, Yves Le Saux, « Benoît Moulay a finalement été condamné, en juillet 2023, à être renvoyé de l’État clérical, déchu de son statut de prêtre, la plus grave sanction que l’Église catholique peut infliger à l’un de ses clercs ». Les juges de l’officialité interdiocésaine de Rennes, le tribunal interne de l’Église catholique, ont considéré qu’il y avait un risque de « récidives » à cause de « son attitude ambiguë envers les femmes », mais aussi de « sa personnalité manipulatrice et autoritaire ». Le combat des deux femmes a duré quatre ans. « La question des violences sexuelles à l’égard des femmes majeures dans l’Église catholique est encore taboue, reconnaît la sociologue Céline Béraud. « C’est un angle mort, car cela met en cause la sexualité de prêtres ».

Ordonné bien que déclaré inapte…

Et en 2024, la bataille n’est toujours pas terminée. Leurs plaintes pour viols auprès de la police ont été classées faute de preuves suffisantes, mais pour les deux victimes qui ont mis au jour cette affaire, l’Emmanuel porte une lourde part de responsabilité dans ce qui leur est arrivé. Elles réclament désormais à la communauté des dommages et intérêts. Pour étayer leur requête, elles s’appuient sur les archives diocésaines. On y découvre que les responsables du séminaire de Nantes, où B. Moulay suivait sa formation, s’étaient opposés à l’unanimité, en 1997, à son ordination en raison « d’une immaturité affective lourde » et « une obsession pour tout ce qui concerne la morale sexuelle et conjugale », concluant à « une inaptitude à vivre une relation chaste ». La communauté de l’Emmanuel est passée outre cet avis. Les deux plaignantes évoquent aussi des signalements répétés, depuis 2004, sur les agissements du prêtre, provenant de témoins ou de femmes (au moins une dizaine sont identifiées). Mais quand la communauté de l’Emmanuel en a eu connaissance, sa réaction a été d’envoyer le prêtre en année sabbatique à Paray-le-Monial (Saône-et-Loire), fief du mouvement. Puis il reprend son ministère. Il est ensuite, pour des raisons floues, affecté à un nouveau diocèse qui « n’est pas prévenu de son passé problématique ».

À ce stade, « les négociations patinent », souligne leur avocat Aymeric de Bézenac. Se retranchant derrière la confidentialité, l’Emmanuel répond « ne pas pouvoir être plus précis sur les suites données à ces demandes ». 

(Source : Libération, 02.05.2024)

  • Auteur : Unadfi