Il y a 25 ans un journal du Connecticut publiait les accusations portées par huit hommes contre le fondateur de l’ordre religieux la Légion du Christ, le Révérend Marcial Maciel. Ce dernier les avait agressés sexuellement alors qu’ils étaient encore de jeunes garçons se préparant à la prêtrise. Il a fallu près d’une décennie pour que le Vatican le sanctionne, et dix ans à nouveau pour que la Légion du Christ admette publiquement que le Révérend Maciel était un pédophile en série.
Lorsque les premières accusations contre le Révérend Maciel furent rendues publiques, en 1997, le Vatican était déjà au fait de la situation : des documents dans les archives du Vatican démontraient que plusieurs membres ont fermé les yeux sur des rapports écrits fiables décrivant Maciel comme escroc, toxicomane, coupable d’actes pédophiles, et fraudeur religieux. Mais à cette époque, le Vatican, Jean-Paul II en particulier, appréciait sa capacité à amasser des dons et susciter des vocations religieuses.
C’est dans le quotidien The Hartford Courant, journal du Connecticut, que la vérité sur les faits dont était coupable le Révérend Maciel fut révélée au public à travers la publication d’une longue enquête menée par les journalistes d’investigation Jason Berry et Gerald Renner. Le nom de plusieurs victimes y était cité, racontant tous indépendamment que Maciel les aurait amenés dans sa chambre la nuit. Un an plus tard, les victimes portèrent formellement plainte contre Maciel auprès de la Congrégation pour la doctrine de la foi.
La Légion avait alors tenté de discréditer la parole des victimes en fournissant au journal Hartford Courant des documents réhabilitant Maciel, notamment une déposition de quatre Mexicains qui affirmaient que les victimes avaient tenté de les enrôler dans une cabale contre Maciel, ainsi qu’une lettre d’un évêque chilien qui avait mené des recherches sur Maciel dans les années 1950. Les deux documents se sont révélés être des faux. L’étude du dossier s’éternisa jusqu’après la mort de Jean Paul II, et ce ne fut qu’en 2006 que Maciel fut condamné à une vie de « pénitence et prière ». Il décéda en 2008, toujours considéré comme un saint par la Légion.
En 2010, après qu’une enquête révéla que Maciel avait abusé sexuellement de séminaristes et eu au moins trois enfants de deux femmes, et après la mise au jour d’un système de pouvoir basé sur le silence, la tromperie et l’obéissance, le Vatican imposa un processus de réforme au sein de la Légion. A la suite de cette réforme, la Légion formula des excuses auprès des victimes, et dans le même temps, dut se confronter à une série de révélations quant à la présence d’une nouvelle génération d’agresseurs dans ses rangs (certains ayant eux-mêmes été victimes de Maciel) et de supérieurs qui avaient couvert ces agissements. En 2020 la Légion retira publiquement « les jugements institutionnels et personnels négatifs émis à l’encontre du sens moral et des motivations des personnes qui ont porté des accusations légitimes et nécessaires », en d’autres termes les propos diffamatoires qui avaient été publiés dans le journal Hartford Courant au sujet des huit victimes de Maciel. La Légion déclara également qu’elle reconnaissait le caractère « prophétique » des accusations des victimes « vers plus de vérité et de justice ».
Cela fait un quart de siècle que les accusations contre Maciel ont fait irruption dans le domaine public, ternissant au passage l’héritage laissé par Jean-Paul II. Aujourd’hui, trois victimes attendent toujours des dédommagements pour les agressions subies et les atteintes à leur réputation par la campagne de diffamation menée par la Légion. Celle-ci leur a proposé en 2019 un dédommagement financier à cinq chiffres, dédommagement que Jose Barba, un des accusateurs se faisant le plus entendre, caractérise d’
« humiliation ». Il échange depuis 2020 avec la Légion afin que tous tombent d’accord sur une réparation qui soit « juste » pour lui et pour ses confrères victimes Arturo Jurado et Jose Antonio Perez Olvera. Ils veulent que la Légion retire officiellement les
« mensonges » et la diffamation de l’ordre ayant causé un tort moral à leur réputation.
Le porte-parole de la Légion, le Révérend Aaron Smith, regrette qu’une résolution n’ait pas encore abouti, alors même qu’un accord a été trouvé avec la plupart des victimes : « nous sommes attristés de ce qu’une réunion n’ait pas pu avoir lieu, surtout étant donné l’expérience positive des rencontres avec d’autres victimes de Maciel. Nous restons dans l’espoir que cette réunion aura lieu dans le futur proche, permettant un dialogue ouvert avec lui [Jose Barba]. »
(Source : ABC News, 23.02.2022)