Les nouvelles exigences des consommateurs de vin, qui aspirent à des produits de qualité et naturels favorisent l’essor du bio et obligent les producteurs à se former à des pratiques plus respectueuses de la nature. Mais dans le monde du bio certains se revendiquent « super bio », à l’image de l’anthroposophie avec sa pratique de la biodynamie.
Au départ marginale, la biodynamie s’est développée à partir des années 1980 et connaît aujourd’hui un important succès, donnant parfois l’impression à ceux qui l’utilisent d’améliorer leur pratique de l’agriculture bio. La plupart de ses utilisateurs méconnaissent ses origines anthroposophiques et son corpus théorique ésotérique. Une grande partie de ceux qui l’utilisent ne sont pas allés plus loin que le cours aux agriculteurs.
L’agriculture biodynamique se base sur des théories ésotériques sorties de l’imaginaire de Rudolf Steiner, le fondateur de l’Anthroposophie. Il préconise l’utilisation de préparations dont les recettes « s’apparentent aux remèdes des vieux grimoires de sorcellerie » pour nourrir la terre. L’une d’elle, consiste à enterrer pendant tout l’hiver une corne pleine de bouse, dont le contenu sera dilué et mélangé dans une grande quantité d’eau tiède avant d’être, au printemps, dispersé sur les vignes comme un médicament homéopathique. Pour Nicolas Joly, vigneron et auteur du livre Le vin du ciel à la terre, « nos terroirs doivent constituer un organisme vivant d’accueil et de réception à des forces solaires sans lesquelles la terre n’est rien… Par le choix d’une corne de vache, nous allons accentuer cette féminité » (l’aspect féminin du métabolisme de la vache serait très important, la corne de taureau n’ayant aucune efficacité). Pour Jean-François Bazin, auteur de Le vin bio. Mythes ou réalité ? en intégrant la corne dans son corpus idéologique, « Rudolf Steiner applique à l’agronomie un mythe de la culture universelle ». D’autres préparations à base d’éléments animaux sont préconisées comme ceux à base de « vessie de cerf, d’écorce de chêne dans des crânes de porc ou de cheval », le cahier des charges de Demeter, l’organisme anthroposophe de certification en biodynamie, spécifiant « que le choix des organes serait effectué par rapport à leur fonction générale dans l’organisme animal. Leur rôle est de concentrer les forces constructrices et formatrices dans la substance des préparations. » Le traitement des nuisibles n’est pas oublié et « contre les ravageurs », on préconise de répandre « des cendres d’insectes ou de peaux de mulots… » Ces diverses préparations sont obligatoires pour obtenir la certification.
Dans un ouvrage publié en 2015, Être élémentaux. Fondements spirituels de la biodynamie, d’après Rudolf Steiner, Ernst Hagemann explique que l’usage des diverses préparations doit être considéré comme un sacrifice aux esprits de la nature (gnomes, ondines, sylphes…). Citant Rudolf Steiner, il explique que leur existence « est niée à notre époque des Lumières, car au stade où nous en sommes, on ne peut pas les voir. »
Patrick Baudouin, un vigneron dont le domaine est classé bio, s’élève contre l’absurdité d’une prétendue plus-value bio apportée par la biodynamie. Pour lui, « la biodynamie dans sa spécificité, dans sa véritable identité occultiste et ésotérique n’est pas la réponse d’aujourd’hui aux enjeux du moment et de demain. Le domaine est donc de ceux qui travaillent à ses réponses mais qui n’éprouvent pas le besoin d’invoquer les sylphes, les ondines, les gnomes, les salamandres, et de lutter contre Ahriman et Lucifer pour y parvenir. »
(Source : Le Point, 23.01.2020)
Lire sur le site de l’Unadfi : L’origine ésotérique de l’agriculture biodynamique dévoilée : https://www.unadfi.org/non-classe/lorigine-esoterique-de-lagriculture-biodynamique-devoilee/