L’agriculture biodynamique1 est née de l’imaginaire de l’ancien théosophe Rudolf Steiner, fondateur de l’Anthroposophie. Les bases en ont été établies lors d’une série de conférences données du 7 au 16 juin 1924. Longtemps réservé au cercle des initiés, le « cours aux agriculteurs » fut publié en 1963.
Rudolf Steiner fonde sa vision de l’agriculture sur un constat personnel : la population européenne aurait été privée de sa spiritualité en raison d’une agriculture trop moderne dénaturant son alimentation.
Reposant sur un ensemble de croyances et de pratiques ésotériques, l’agriculture biodynamique ne peut revendiquer aucun fondement scientifique. Même si certains viticulteurs biodynamiques affirment le contraire, ils ne peuvent ignorer l’origine anthroposophique des préparations qu’ils utilisent, tous les cours de biodynamie étant dispensés par des anthroposophes. Les traités d’agriculture biodynamique donnent une grande importance aux planètes, mais on est loin de l’influence lunaire sur la végétation. Il s’agit ici de s’adjoindre la puissance des planètes issues des quatre réincarnations de l’univers ayant déjà eu lieu (trois devraient encore suivre), contre les forces du mal. Les huit préparations nécessaires aux cultures prennent en compte ces effets imaginés par Rudolf Steiner. Pour ce dernier, la science et la technologie étant des oeuvres des forces du mal, incarnées par Lucifer et Ahriman, il est impératif de s’y opposer pour accéder à la spiritualité, c’est pourquoi l’agriculture biodynamique a peu recours à la mécanisation. Cette vision s’applique à toutes les activités humaines (médecine, éducation, économie…).
Grégoire Perra reproche aux anthroposophes de cacher cette part ésotérique de l’agriculture biodynamique. Les propriétaires de grands crus, à l’image de Bernard Arnaud, ne sont probablement pas informés que passer en biodynamie servira avant tout à résister « aux forces maléfiques ahrimaniennes » et à « respiritualiser » l’humanité.
Mais ces théories ont su séduire, notamment dans les milieux écologistes, et les anthroposophes peuvent s’appuyer sur de nombreux soutiens connus pour répandre leurs conceptions ésotériques, tels qu’Antoine Waechter, Pierre Rabhi, Jean-Marie Pelt (récemment disparu) ou Edgar Morin.
L’agriculture n’est pas le seul champ où les théories astrales et magiques de l’Anthroposophie sont utilisées. Ainsi chez Weleda, les pratiques occultistes font partie intégrante de la préparation des produits cosmétiques. De la cueillette des ingrédients végétaux, réalisée en fonction des astres, à la dynamisation des produits mélangés en formant un « 8 » afin d’équilibrer les forces du bien et du mal. Cette technique de dynamisation est aussi l’une des bases de l’agriculture biodynamique.
Mais les influences astrales ne s’arrêtent pas là. Rudolf Steiner « enseignait que les substances alimentaires ont une influence énorme sur notre psyché ». Ainsi la tomate, parce qu’elle est asociale et la pomme de terre parce qu’elle rend matérialiste, sont à proscrire. La viande est déconseillée car elle « interfère dans les perceptions spirituelles ». L’alcool et le thé sont aussi contre-indiqués. Dans l’imaginaire anthroposophe, le risque d’être possédé par Ahriman et Lucifer est omniprésent.
(Source : Agriculture et environnement, 27.06.2019)
1. Le mot a pour racine « bio », la vie, et « dynamie, de « dynamis » qui désigne « dans la cosmogologie de Steiner une race de dieux du cosmos ». Haut placés dans la hiérarchie divine, les dynamis « s’occupent des forces formatrices de l’univers ».
Pour lire l’article d’Agriculture et environnement dans son entier : https://www.agriculture-environnement.fr/2019/06/27/face-cachee-agriculture-biodynamique-rudolf-steiner