Le mouvement de jeunesse catholique Academia Christiana a été créé en 2013 par quatre étudiants. L’objectif exposé sur son site : « Former les jeunes chrétiens et les hommes de bonne volonté qui veulent s’engager au service du Bien commun ». Derrière ces mots, se cache une frange de l’extrême droite qui appelle à prendre les armes et à partir en croisade. La Normandie attire de plus en plus de catholiques traditionnalistes qui viennent grossir les rangs d’un mouvement inquiétant.
Academia Christiana rassemble une petite partie de la jeunesse identitaire particulièrement virulente sur l’immigration ou le mariage homosexuel. Sur ses tracts, le groupe affiche vouloir : « former les cadres à la reconquête civilisationnelle ». Sur son site, plusieurs vingtenaires et trentenaires préviennent des « bombardements quotidiens contre [leur] foi ». Et pour remédier à ce mal, ils veulent lever « une armée de bâtisseurs » pour mener une nouvelle « croisade ». Leur chef de file : un enseignant en français et philosophie, Victor Aubert, 33 ans qui n’hésite pas à poser sur Internet avec des figures de l’extrême droite comme Alain Soral. Ce professeur dispense ses cours à l’Institut de la Croix des Vents, une école hors contrat de la commune de Sées, dans l’Orne, à laquelle est accolée une chapelle où la messe dominicale en latin est orchestrée par un prêtre qui tourne le dos aux fidèles, comme l’exige la liturgie traditionnaliste de l’Eglise. Pour autant, l’école dément tout lien avec Academia Christiana.
Afin de découvrir ce mouvement de l’intérieur, la journaliste de France 2 Sophie Broyet s’est infiltrée dans un bar parisien avec des membres d’Academia Christiana. L’occasion de les sonder sur plusieurs sujets, à commencer par leur rapport aux autres religions. Les réponses obtenues semblent décomplexées : « A Academia, il peut y avoir des gens qui sont antisémites à différents degrés, mais ce n’est pas la majorité. La ligne d’Academia, on ne s’est jamais prononcé sur ça. Si on était amené à le faire, ce serait pour dire [que] les Juifs sont appelés à se convertir et à entrer dans la nouvelle alliance ». Quant à l’Islam radical, « il n’y a pas vraiment de peur » mais plutôt même « une forme d’admiration ». Selon eux, les salafistes parviennent à avoir leur communauté et leurs écoles et à s’isoler. Des aspirations que partagent ces chrétiens traditionnalistes, à une différence près : les catholiques prétendent, eux, à une « dimension missionnaire ». Pour cela, la guerre peut constituer un moyen de vaincre « les adversaires du Christ », comme l’assène un prêtre du mouvement, particulièrement actif sur les réseaux sociaux et qui n’hésite pas à se photographier en soutane, fusil à la main, un 14 juillet. Des images qui alertent les renseignements français et qui expliquent que plusieurs membres d’Academia Christiana soient fichés S. Par ailleurs, le ministère de l’Intérieur craint que les anciens de Génération identitaire et Alvarium, deux groupes dissous en 2021, se tournent aujourd’hui vers ce type de groupe violent. En attendant, la ville de Sées attire en moyenne deux nouvelles familles catholiques traditionnalistes tous les mois. Ainsi, l’idéal communautaire prospère en Normandie.
(Source : France TV, 16.02.2022)
Pour visionner le reportage : https://www.francetvinfo.fr/societe/religion/enquete-france-2-plongee-au-sein-d-academia-christiana-mouvement-catholique-et-nationaliste-place-dans-le-radar-des-services-de-renseignement_4965042.html