Les médecines traditionnelles et leurs dangers pour les mères et les enfants

Malgré de nets progrès dans le domaine de la santé, l’Afrique subsaharienne enregistre encore aujourd’hui les taux de mortalité infantile, maternelle et néonatale les plus élevés au monde. Un enfant sur huit meurt avant l’âge de cinq ans. 57 % des décès maternels dans le monde surviennent sur le continent africain. L’anthropologue français Yannick Jaffré pointe ainsi le danger que représentent les médecines dites traditionnelles pour la survie des mères et des enfants. 

L’anthropologue considère comme extrêmement inquiétants l’ancrage et la reconnaissance dont bénéficient les médecines dites traditionnelles en Afrique subsaharienne.  Un sous-investissement chronique dans le secteur de la santé, certaines conduites sociales et « une instrumentalisation » politique des médecines traditionnelles expliquent que de nombreux malades et leurs familles se tournent vers elles. Cela représente un danger certain. D’abord parce que le recours à ces médecines fait perdre un précieux temps. Ces soins sont par ailleurs également coûteux. Typiquement, les parents d’un enfant malade ne se rendent à l’hôpital qu’après avoir dépensé tout leur argent auprès d’un guérisseur et n’ont plus les moyens d’acheter les médicaments lorsque le médecin leur en prescrit, ce qui pèse sur les chances de survie de l’enfant.

Yannick Jaffré dénonce une « vision idéologique » alimentée par le soutien financier de l’OMS pour ces médecines traditionnelles. Selon lui, « l’OMS s’appuie sur ces pratiques faute d’alternatives conventionnelles ». Il existe en outre une instrumentalisation politique de la médecine traditionnelle dans certains pays africains. Au Mali, par exemple, les dirigeants revendiquaient l’existence de remèdes locaux pour se soigner du Covid. L’anthropologue relaie les doléances de ses confrères : « pourquoi, au nom de prétendues particularités locales, promues par l’OMS, devraient-ils se contenter de cette pseudo-médecine qui peut conduire à des drames ? »

Il identifie également une autre cause au recours fréquent à la médecine traditionnelle : le fossé linguistique entre soignants et malades. En effet, les professionnels de santé sont formés en français ou en anglais. Le vocabulaire du corpus médical n’est pas traduit dans les langues africaines. Dans un continent où 50 à 60% de la population est analphabète, il peut être intimidant pour un malade d’aller consulter un médecin qu’il ne comprendra pas, pour se voir prescrire une ordonnance qu’il ne pourra pas déchiffrer. Il se tournera alors plus facilement vers des médicaments vendus à l’unité dans la rue par un vendeur ambulant qui saura instaurer naturellement une connivence avec son client. 

(Source : lemonde.fr, 26.11.2022)

  • Auteur : Unadfi