Les difficultés d’insertion d’une jeune femme née dans la communauté   

Née dans une communauté Krishna en Belgique, Rupa, 46 ans a quitté la communauté à 14 ans et met du temps à intégrer les codes de la société. Elle reste méfiante vis-à-vis de la communauté où sa mère vit toujours.

Rupa, aujourd’hui mère de deux adolescents, raconte son parcours au sein d’un des groupes Krishna créés en Europe par un gourou arrivé d’Inde dans les années 70. Ce maître spirituel fait rapidement des adeptes qui, au fil du temps, deviennent aussi des gourous.

La communauté fonctionnait comme une société. La mère de Rupa, arrivée au tout début, y avait un rôle important. «Elle était un peu prêtresse. Elle y croyait fort», raconte Rupa. C’est aussi le moment où le mouvement Krishna prend de l’ampleur dans le monde. «Il y avait une idéologie de base, mais chaque gourou a créé ses principes et gérait comme il voulait».

A l’âge de 6 ans, Rupa est scolarisée en France dans un internat de la communauté et séparée de sa mère. «Ça n’était agréable ni pour elle ni pour moi. J’ai été fâchée sur la communauté, pas sur elle».

A l’école, les conditions étaient dures : «On vivait dans des baraquements sans chauffage et sans sanitaires. On devait se lever tous les matins à 4 heures. On avait très peu de contacts avec les enfants du village.» A 10 ans, elle rue dans les brancards. «Quand il fallait se prosterner et faire des prières, j’insultais leur dieu et je disais des gros mots.»

Après quelques années de tâtonnements, à 14 ans, elle quitte la communauté et se retrouve seule à Bruxelles pour ses études. «Dans la capitale, ça allait mieux car j’étais anonyme ».

En 1998 elle trouve un petit travail et suit le soir une formation de marketing. Elle est aujourd’hui manager d’une équipe mais avoue qu’elle aurait aimé faire des études. Mais elle reconnaît qu’elle a eu une adolescence particulière. «Je n’ai aucune référence, je me suis mise dans des situations inconfortables et idiotes. Je ne gérais pas car je n’étais pas préparée à la vie extérieure. Je n’ai pas les codes».

Elle conserve une méfiance vis-à-vis des communautés Krishna qui ont connu des scandales à la suite d’abus sexuels ou financiers à travers le monde. «Le pouvoir leur montait à la tête et ils étaient considérés comme des dieux». Elle reconnaît cependant que la communauté belge a remis beaucoup de choses à plat et attache beaucoup plus d’importance à la législation et à une gestion plus démocratique. Sa mère y vit toujours.

Rupa considère qu’elle a franchi de nombreux obstacles qui lui donnent aujourd’hui la force d’avancer. Elle souhaite un parcours plus serein et un avenir plus stable pour ses deux enfants, loin des contraintes et du chaos qu’elle a connus.  

(Source : Le Soir, 10.06.2022)

  • Auteur : Unadfi