Le combat d’une mère

Son fils unique a rejoint le groupe Amour et Miséricorde il y a 22 ans. A l’aube de ses 80 ans, cette maman en souffrance attend, chaque jour, un signe de vie…

« Mon fils est né en 1975. C’était un enfant normal, tourné vers les autres, il avait des amis, des loisirs… ». Quand elle évoque son fils, cette maman brisée par la décision brutale de sa progéniture d’intégrer le groupe Amour et Miséricorde, parle au passé. Depuis 22 ans, il a rompu tous les liens. Elle le dit embrigadé dans cette communauté catholique que la Miviludes considère à dérives sectaires. Comme lui, ils seraient environ 150 adeptes. Toutes ses tentatives pour le ramener à la maison ont échoué.

Ancien scout, diplômé d’un BTS en commerce international, il n’avait rien d’un jeune homme replié sur lui-même. À 26 ans, il a annoncé à sa famille qu’il fréquentait un groupe de prières. Vivant à Paris, il se rendait régulièrement à Dijon. Les week-ends, puis de plus en plus souvent, en semaine. « Il avait un travail et je me suis inquiétée. Mais c’était déjà trop tard » raconte cette maman. « Un an plus tard, il nous a annoncé qu’il démissionnait de son travail et quittait son studio pour s’installer à Dijon… Je me suis renseignée auprès d’associations locales qui m’ont dit de me méfier de ce groupe ». Elle adresse alors un signalement au procureur et à la Miviludes.

De la phase de séduction à la destruction

La suite ? Un cheminement jusqu’à la rupture. Un premier clash quand elle refuse de lui donner de l’argent, une visite de deux jours qui n’a duré finalement que 30 minutes parce qu’il a reçu un coup de fil de la gourelle qui le rappelait à l’ordre, une visite surprise pour ses 30 ans où elle a été priée de rebrousser chemin et de ne plus faire ainsi irruption. Restait des échanges de missives. Puis, à partir de 2015, plus aucun contact. Sur les conseils de l’Adfi, cette maman continue de lui adresser des courriers, où elle lui rappelle de jolis souvenirs, pour garder le lien. Toutes lui reviennent avec ce message « retour à l’envoyeur ».

Dans cette période difficile, cette maman rencontre d’autres personnes concernées par l’embrigadement d’un proche et elle assiste à des groupes de paroles organisés par l’Adfi, en présence d’un psychologue. « C’était précieux de ne pas se sentir seul. En famille, nous étions soudés mais le sujet commençait à devenir tabou ». Et puis le coup de massue : « mon fils a porté plainte contre moi pour agression sexuelle. Le groupe a utilisé la technique des faux souvenirs induits. C’était une nouvelle phase de la stratégie de destruction des liens familiaux. C’était très dur. Heureusement que la Miviludes m’avait mise en garde de sur ce genre d’agissements ». Depuis, la gourelle est décédée. Cette maman n’a plus aucune nouvelle du groupe ni de son fils. Elle espère que la loi va évoluer pour donner des armes à la justice contre les dérives sectaires. « Mon fils à 49 ans, j’en ai 79… J’espère le revoir, c’est le combat de ma vie ». 

(Source : Libération, 13.02.2024)

  • Auteur : Unadfi