Malgré les différents scandales et abus, des prêcheurs stars continuent de prospérer en Afrique du Sud avec le soutien de personnes haut placées.
Pour Solomon Ashoms, à la tête d’une ONG qui vient en aide aux victimes d’abus de ces télévangélistes, la crise de confiance envers le gouvernement et les institutions consolident la place des mégachurches dans le pays. Attirant de plus en plus de fidèles, elles promettent richesse instantanée et guérison dans un pays profondément marqué par les inégalités. Pour l’anthropologue Ilana Van Wyk, ces églises peuvent constituer un état parallèle car elles possèdent des écoles, des cliniques qui concurrencent les institutions gouvernementales. Selon certaines estimations, un quart des chrétiens sud-africains adhéreraient à ces églises.
A leur tête, on trouve des « hommes de dieu » parfois crédités de pouvoirs miraculeux. C’est le cas du pasteur Alpha Lukau, dirigeant l’Alleluia Ministries International (AMI), qui prétend pouvoir rallumer un téléphone éteint, deviner le nom d’un enfant ou rendre la vue à un aveugle. Dernièrement il a défrayé la chronique avec la mise en scène de l’un de ses miracles. On le voyait dans une vidéo ressusciter un homme prétendument décédé allongé dans un cercueil.
Le directeur de l’ONG rappelle que les abus financiers sont courants dans ces églises. L’évangile de la prospérité1 leur permet de réclamer de l’argent aux fidèles afin d’interagir avec Dieu, de pouvoir les bénir financièrement et de leur apporter la richesse. Par exemple, Shepherd Bushiri, pasteur au train de vie luxueux, est accusé de détournement de fonds et fraude par les autorités du pays. Il est suspecté d’avoir transféré tous les mois un million d’euros vers le Malawi. Certains pasteurs s’apparentent à de réels businessmen à la tête d’empires financiers conséquents. Bushiri a par exemple investi des sommes considérables dans l’industrie minière, pétrolière ou l’hôtellerie de luxe.
Au-delà des abus financiers, il existe aussi des cas de viols et de pédophilie dans ces églises. A la fin du mois de janvier 2020, un procès dans lequel un télévangéliste d’origine nigériane est accusé d’abus sexuels doit reprendre. Ce pasteur vivait à Durban entouré d’un harem d’une soixantaine d’adolescentes. Une jeune femme a témoigné avoir été agressée sexuellement dès l’âge de 14 ans jusqu’à ses 19 ans.
Pour Thoko Mkhwanazi-Xaluva, ancienne présidente de la Commission de la protection des droits religieux, ces églises devraient être contrôlées notamment au niveau de leurs donations mais aussi de dérives potentielles ou avérées pour certaines. Cependant une telle législation ne semble pas au gout du jour notamment du fait que certains pasteurs bénéficient du soutien de politiciens et parfois des forces de sécurité. Les politiciens voient dans ces immenses églises des viviers d’électeurs potentiels. Pour Ilana Van Wyk, la présidence de Jacob Zuma de 2009 à 2018 a changé la donne dans le pays. Il croyait en l’évangile de la prospérité et était proche de certaines églises. Le soutien apporté par certains oligarques sud-africains n’est pas près de stopper l’emprise exercée par ces pasteurs.
(Source : Le Monde, 26.01.2020)
- Lire sur le site de l’UNADFI, L’évangile de la prospérité : https://www.unadfi.org/groupes-et-mouvances/l-evangile-de-la-prosperite/
Lire sur le site de l’UNADFI, Évangéliques et dérives sectaires : https://www.unadfi.org/groupes-et-mouvances/evangeliques-et-derives-sectaires/