Les tragédies de l’Ordre du temple solaire (OTS) sont considérées comme faisant partie des plus importantes impliquant un groupe sectaire au Québec, en Suisse et en France. Trente ans plus tard, il est permis de se demander si de tels événements pourraient de nouveau se produire. Décryptage avec Marie-Andrée Pelland, présidente du conseil d’administration d’Info-Secte et professeure de criminologie à l’Université de Moncton.
Ces drames de l’OTS ont contribué à amoindrir le préjugé selon lequel les victimes des groupes sont nécessairement des personnes naïves, manipulables, vulnérables et peu éduquées. Une proportion importante des victimes de l’OTS étaient des personnes accomplies professionnellement, socialement et familialement.
Ces évènements ont aussi permis d’éclairer sous un nouveau jour des concepts tels que le « lavage de cerveau » ou la « manipulation mentale ». Personne ne rejoint un groupe, quel qu’il soit, afin d’y connaître une fin tragique. On doit reconnaître qu’il peut y avoir plusieurs motifs raisonnables de s’y engager de plein gré. On peut par exemple chercher à satisfaire une curiosité ou des intérêts particuliers, à développer de nouvelles relations ou bien à participer à une quête de sens individuelle ou collective. Et quand des liens significatifs s’établissent entre les membres, cela peut renforcer un engagement et devenir plus contraignant, sinon aveuglant.
Des écrits trouvés sur les lieux des drames nous permettent de conclure que c’est un contenu de croyances particulières au groupe qui aurait causé ces pertes humaines. On peut présumer qu’une partie des victimes a été progressivement investie dans une finalité de l’OTS, qui consistait à réunir une « élite spirituelle » détenant des connaissances privilégiées et pouvant atteindre un état de conscience supérieur. Dès lors, le départ du monde terrestre était perçu comme nécessaire afin d’assurer le transit de cette « élite » vers l’étoile Sirius.
Qu’en est-il à notre époque ? Il est impossible de garantir que de tels drames ne se produiront plus. Pour preuve : le massacre qui a emporté des centaines d’adeptes de l’Église internationale de Bonne Nouvelle (un groupe apocalyptique du pasteur Paul Mackenzie) au Kenya. Il est toujours pertinent de se questionner sur les meilleures pratiques de prévention de ce type d’extrémisme au sein des groupes. Plusieurs études indiquent que des tensions (internes ou avec le monde extérieur) peuvent jouer un rôle crucial, surtout lorsque les membres du groupe entretiennent peu de contacts avec la société extérieure. Info-Secte préconise une approche axée sur le dialogue et l’ouverture en tenant compte d’un ensemble de paramètres propres à chaque situation. Dans ce contexte, il est nécessaire de favoriser davantage la recherche et les initiatives permettant de mieux épauler toutes les personnes touchées par les phénomènes sectaires. Le soutien financier public actuellement accordé aux organismes est insuffisant pour répondre à la pluralité des besoins observés sur le terrain.
(Source : La Presse, 04.10.2024)
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