« Colonia »

 « Colonia »1, film de Florian Gallenberger, a été présenté au Festival du film de Toronto. Il retrace la sombre histoire de la Colonia Dignidad, secte allemande fondée au Chili qui fut un lieu de tortures et de maltraitances notamment sur des enfants.

Paul Schäfer, délégué à la jeunesse évangélique allemande, a fondé la Colonia Dignidad en 1961 au sud de Santiago avec quelques émigrants allemands ayant entretenu de solides liens avec les nazis. L’État chilien se serait montré complaisant avec la secte, présentée comme une mission caritative, mais qui aurait été chargé, entre 1973 et 1990, de torturer et assassiner les opposants au régime Pinochet. Paul Schäfer et ses collègues avaient également des soutiens politiques en Allemagne. Le parti conservateur allemand CSU se disait particulièrement impressionné par la façon dont la Colonia transposait les traditions bavaroises dans les Andes lointaines…

En 1990, à la fin de la dictature militaire, le gouvernement a tenté de démanteler la Colonia. Patricio Aylwin, ancien président chilien ayant oeuvré pour le retour à la démocratie, considérait que la Colonia Dignidad était un État dans l’État et lui a retiré son statut d’organisation à but non lucratif, lui faisant perdre dans le même temps ses avantages fiscaux. Peu après, Paul Schäfer est arrêté et la Colonia Dignidad est officiellement dissoute.
 

Dans la réalité, la secte perdure et vit grâce à de nouveaux dirigeants et à une centaine d’adeptes restés sur l’immense propriété. En 2006, ils publient des excuses publiques pour leur complicité dans les atrocités perpétrées au sein de leur mouvement : « Nous sommes à blâmer, car nous n’avons pas pris de mesures contre notre chef despotique, nous sommes à blâmer parce que des gens ont été détenus illégalement sur notre propriété, certains ont été tués et leurs corps ont disparu. »
La Colonia Dignidad a été rebaptisée Villa Baviera (village bavarois) et ouvre ses portes aux touristes d’Amérique latine qu’elle attire avec le folklore bavarois.

Anna Schnellenkamp, fille de Kurt Schnellenkamp, co-fondateur de la Colonia aujourd’hui incarcéré, espère développer davantage la Villa Baviera et prévoit d’ouvrir un musée qui ferait découvrir son sombre passé. Mais ce projet est loin de faire l’unanimité. Les victimes et leurs parents sont opposés à cette forme de tourisme : la visite de l’ancienne chambre de torture transformée en salle de folklore bavarois serait une atteinte à leurs souffrances. Parmi ces opposants, l’avocat Winfried Hempel, qui a grandi dans la Colonia Dignidad et l’a fuie en 1997. Il dénonce la stratégie touristique promue par Anna Schnellenkamp et a déposé plainte contre les gouvernements chiliens et allemands.

(Source : Deutsche Welle, 14.09.2015 & Le Parisien, 15.09.2015)

1- La date de sortie du film en France n’a pas encore été annoncée.