Une enquête approfondie, menée pendant plus d’un an, révèle les pratiques inquiétantes des Hérauts de l’Évangile. Ce groupe ultra catholique, présent dans 78 pays, recrute des enfants pour « restaurer la pureté de l’Église », comme au temps des croisades. Mais cette armée de chevaliers a en fait tout d’une organisation fanatique.
Basés principalement au Brésil, les Hérauts vivent dans des châteaux fortifiés, isolés du monde extérieur. L’enquête, qui s’appuie sur 39 témoignages d’anciens membres, révèle un régime de vie militarisé et une préparation à une apocalypse imminente appelée « la Bagarre ». Les jeunes recrues, souvent attirées par des activités ludiques et des voyages, se retrouvent rapidement endoctrinées. Leur mission : tuer les infidèles… Y compris leurs propres familles ! A la tête de cette armée secrète se trouve Joao Cla Dias, considéré par des experts et victimes comme un gourou.
Apprendre à terrasser l’ennemi au péril de sa vie
Les Hérauts portent un habit religieux similaire à celui des Templiers qui ont fait couler le sang lors des guerres saintes du Moyen Âge : une grande croix rouge et blanche sur la poitrine, des bottes de cavalerie, une chaîne d’esclaves à la taille et un rosaire. Les enfants se sentent « comme des super héros qui vont sauver le monde en détruisant les méchants » racontent d’anciens adeptes. Mais très vite, ils déchantent. « C’était un calvaire. Chaque geste devait être exécuté avec une précision martiale. Se laver les mains, se brosser les dents, se raser, mettre ses souliers… On devait manger la poitrine gonflée, porter la nourriture à notre bouche sans se pencher ». Les jeunes apprennent à manipuler des hallebardes, des armes de combat médiéval. On leur enseigne qu’ils devront un jour terrasser l’ennemi, au péril de leur vie. Tout le monde sera tué, à l’exception des vrais croyants. Et les vrais croyants, ce sont les Hérauts de l’Évangile. Chaque catastrophe naturelle et chaque tuerie qui survient est perçue comme un signe que cette fameuse Bagarre approche et attise le fanatisme des membres. Le 11 septembre 2001, lorsque les avions détournés par des terroristes islamistes frappent les tours jumelles à New York, les Hérauts jubilent. Ils obtiennent la permission de regarder la télévision et applaudissent en voyant les attentats, persuadés que la prophétie se réalise.
Les membres, pris dans l’engrenage, sont amenés à croire que les homosexuels, les communistes, les adeptes d’autres religions, les pro-avortement et même leurs propres familles sont l’incarnation du mal. La Bagarre sera donc l’occasion de purifier le monde et d’instaurer le règne de la Vierge Marie sur Terre. Et pour affronter ce monde hostile, les Hérauts disposent d’une milice privée qui s’entraîne au champ de tir et participe à des exercices paramilitaires. Mais le processus de radicalisation ne survient pas du jour au lendemain. « Il faut qu’on devienne un moule parfait du disciple à l’image du gourou, avec la même mentalité, la même psychologie, la même façon de penser. On nous met sous emprise » s’accordent à dire d’anciens membres. Et le système de recrutement s’est raffiné au fil des ans. « Les Hérauts offrent des spectacles gratuits aux jeunes dans les écoles publiques. Ils effectuent ensuite un tirage au sort truqué qui laisse croire aux enfants piégés qu’ils sont chanceux de gagner un week-end d’activités. Ce que ces enfants ne savent pas, c’est qu’ils ont été ciblés au préalable selon des critères de beauté. À partir de là, tout est mis en œuvre pour qu’ils passent de plus en plus de temps avec le groupe. Et le goulot se resserre ».
Des forteresses coiffées de fils barbelés
Ceux qui auraient l’idée de s’enfuir se heurtent à des portails verrouillés. Les forteresses des Hérauts sont coiffées de fils barbelés, des chiens de garde surveillent le domaine pendant la nuit. Mais plus que les barbelés, ce qui retient ces jeunes captifs au sein du mouvement, c’est la peur de la fin du monde, puisque seuls les Hérauts vont échapper à la damnation éternelle. Lorsque les enfants intègrent le groupe au Brésil, ils doivent passer par une cérémonie de dénonciation qui s’appelle le chapitre. Ils sont alors contraints de se prosterner pendant des heures devant les membres qui se lèvent tour à tour et les accusent de toutes les fautes. L’obéissance et la soumission au leader religieux ne sont pas optionnelles.
Les Hérauts de l’Évangile ont la réputation d’être hostiles envers les anciens membres qui les critiquent, mais aussi envers les avocats et les médias. Ces dernières années, ils ont intenté des dizaines de poursuites judiciaires pour calomnie et diffamation. Le procureur de la Défense publique de l’État de Sao Paulo, Daniel Secco, dénonce cette campagne d’intimidation contre les victimes et les témoins d’abus. Il soutient que c’est une stratégie pour les faire taire en les épuisant financièrement et émotionnellement.
Sur papier, l’association privée que dirige Joao Cla Dias relève du pape puisqu’elle a été approuvée par le Vatican en 2001. Mais pour de nombreux témoins, il s’agit d’une secte. C’est aussi l’avis du psychologue Miguel Perlado dont le constat se base sur les critères de l’International Cultic Studies Association : dévotion et soumission au leader charismatique, contrôle de la pensée et des actions, dissidence interdite, suppression des doutes, exclusion de la société et de la famille, séances de dénonciation, abus et exploitation, mentalité polarisée, légitimation de la violence, manipulation par la honte et la culpabilité, code vestimentaire, obsession pour le recrutement d’enfants et la collecte de richesses matérielles, etc.
(Source : Radio Canada, 17.10.2024)