Le bien-être à tout prix ?

La journaliste Kate Spicer s’intéresse de longue date au développement personnel, participant elle-même à des festivals ou des retraites bien-être. La série Nine Perfect Strangers ayant pour cadre une retraite bien-être qui tourne mal n’est pas une simple fiction pour elle et lui a rappelé plusieurs expériences qu’elle a elle-même vécues.

La première concerne un séjour dans une clinique ayurvédique en Inde. Dès son arrivée, on lui a retiré son téléphone portable et on l’a affublée d’un pyjama blanc Durant sa retraite santé de deux semaines, le pire n’a pas été de se lever à l’aube pour faire du yoga, mais le traitement quotidien au Ghee, un beurre clarifié qui était même administré en lavement.

Une autre fois, malgré l’expertise d’un thérapeute ayant traité des célébrités telles que la princesse Diana, elle n’a pas constaté les bienfaits de son traitement par irrigation du côlon. Non seulement l’expérience a été douloureuse, mais elle lui a laissé un sentiment de culpabilité, le thérapeute la rendant responsable de l’échec de la séance. Un sentiment qu’elle a souvent rencontré dans ce milieu.

Parmi ses expériences les plus étranges figure une retraite chamanique en Amazonie au cours de laquelle elle a consommé de l’ayahuasca. Au menu, nouilles froides et poisson séché et surtout interdiction de manger de la salade pour éviter les interactions néfastes avec la substance hallucinogène.

Curieuse de savoir si d’autres avaient vécu des expériences similaires à la sienne, elle a lancé un appel sur les réseaux sociaux où les réponses ont afflué. Deux de ses connaissances ont payé entre 1500 euros et 2500 euros pour un séjour détox comprenant jeûne, lavements auto-administrés et partage de leurs observations en groupe. Un autre a quitté un camp de yoga en France après qu’on lui a demandé d’avaler une longue bande de mousseline au petit déjeuner pour la ressortir ensuite dans le but d’éliminer la crasse de l’estomac. Une autre personne a été invitée à boire son urine lors d’un stage de naturopathie pour guérir un abcès dentaire. Cela n’aurait pas fonctionné car son urine n’était pas propre, selon la thérapeute. Un autre témoin a appris que sa douleur chronique au genou était « due à l’attraction gravitationnelle de la pleine lune ». Tandis qu’une femme ayant participé à une retraite ménopause lui a rapporté avoir été invitée à « tenir ses mains en forme de vulve » et les « battre contre ses parties féminines ».

Si certains croient aux bienfaits de ces pratiques, la journaliste estime que « en l’absence de science, le bien-être extrême peut parfois se révéler psychologiquement – et peut être aussi physiquement- nocif. »

Ce que confirme Le Dr Kate Stannard. Pour elle, les lavements peuvent avoir un avantage fonctionnel en médecine, mais sont peu susceptibles d’avoir des vertus pour la santé, un régime riche en fibre serait plus sain. Quant à boire sa propre urine, cela lui semble absurde de réingérer ce que le corps a physiologiquement éliminé.

Mais l’engagement envers ces pratiques ne relève peut-être pas uniquement de la croyance en l’amélioration de sa santé, il nécessite aussi un acte de foi, comme toutes les religions.

C’est ce qu’avait déjà conclu l’historien Christopher Lasch lorsqu’il avait étudié les groupes de bien-être émergents dans les années 1970. Il avait vu dans la culture du bien-être une religion de l’amélioration de soi.   (Source : The Sunday Times, 09.01.2022)

  • Auteur : Unadfi