Un journaliste du Figaro infiltre un stage d’Irène Grosjean

Etienne Jacob, journaliste au Figaro, curieux d’en savoir plus sur le déroulement des stages organisés par Irène Grosjean, s’est infiltré dans l’un d’eux. Considérée comme la papesse de l’alimentation crue, la naturopathe, âgée de 93 ans, est connue pour des propos et des préceptes en matière de santé qui ont causé plusieurs fois des scandales ces deux dernières années. Elle est accompagnée d’un naturopathe condamné par la justice, ils prétendraient tous deux pouvoir tout soigner par l’alimentation crue. Cette immersion en quatre épisodes révèle « un système savamment rodé, sur fond de dérives sectaires ».

Le stage d’initiation au crudivorisme s’est déroulé dans un petit village des Hautes-Alpes. Il réunissait une cinquantaine de personne, majoritairement des femmes. Parmi ceux qui épaulent Irène Grosjean se trouvait Miguel Barthéléry qui apprendra, durant le séjour, sa condamnation à deux ans avec sursis pour le décès d’un « patient » atteint d’un cancer.

Durant le stage, Etienne Jacob va côtoyer des personnes un peu perdues, enfermées dans une spirale conspirationniste et prêtes à tout pour trouver des solutions miracles pour aller bien ou changer de voie professionnelle, quitte à dépenser 1200 euros pour participer et s’exposer à des méthodes pouvant se révéler en fait dangereuses pour la santé. Outre les repas crus, les encadrants proposent des purges et des jeûnes. Etienne Jacob verra plusieurs personnes tomber malade durant le stage, « un mal prétendument nécessaire pour « guérir » et expulser « colles et acides » créés par l’alimentation cuite. » Des affirmations sans fondements scientifiques. Pourtant la papesse ne manque pas d’assurance et convainc son public quand elle explique que « manger cuit, ou plutôt « mort », n’apporterait « aucun nutriment » et créerait des « viscosités » dans l’organisme, génératrices de graves maladies. » Elle n’a aucune retenue quand elle explique aux participants, dont certains sont malades qu’il « faut accueillir les maladies « avec joie » afin de « gai-rire ».

Mais les discours ne tournent pas qu’autour de la santé. Irène Grosjean n’est pas avare de références religieuses et ésotériques, comme celles les anges gardiens, censés dévoiler la personnalité des stagiaires.

Le discours d’accueil de Miguel Barthéléry a été, quant à lui, plus pragmatique. Après avoir présenté le programme du stage, il a expliqué aux participants que les encadrants sont quasiment tous naturopathes, les a informés que des consultations individuelles, au tarif de 100 euros, sont possibles. Comme pour se dédouaner, il a également expliqué aux stagiaires : « on ne vous dira jamais de faire mais on vous le conseillera ». Il prévient enfin que le déroulement du stage doit rester confidentiel.

Durant le stage censé permettre d’effectuer sa « transition » vers l’alimentation vivante, les nuits sont courtes et les repas frugaux. Les stagiaires ont été invités à faire des câlins aux arbres, ont reçus des cours de « crusine » par un radiesthésiste énergéticien quantique qui leur a parlé de l’âme des légumes. Comparant les humains aux herbivores, il explique que les protéines « ne sont pas vraiment nécessaires ». A ceux qui se posent des questions il répond avec assurance et affirme que le stage va permettre de « dénouer nos croyances limitantes ». Ses propos farfelus sur le riz et les pâtes qui rendraient docile, pour preuve les « Asiatiques sont les plus contrôlés, dociles », ne choquent pas plus les stagiaires (qui boivent ses paroles) que lorsqu’il affirme qu’on a « déjà vu des personnes récupérer la vue en se nettoyant ». Durant le stage, il ne manquera pas de faire la promotion de ses propres activités et de parler de son souhait de collaborer, avec Irène Grosjean, au développement d’un centre de formation pour « éducateurs de santé ».

Jacob a aussi entendu Miguel Barthéléry, co-animateur du stage, tenir des propos aux accents mystiques. Il enseigne « un nouveau mode de vie, où respirer permettrait des guérisons fulgurantes ».

Irène Grosjean n’est pas en reste, quand elle donne des exemples de personnes ayant guéri grâce aux purges. Elle-même en serait la preuve. Elle raconte qu’elle aurait guéri 21 enfants de la polio, dans les Alpes Suisses, « après les avoir laissés à la diète pendant 8 jours ». De même elle aurait soigné un jeune myopathe en l’enveloppant dans de l’huile de ricin.

Mais les traitements préconisés durant le stage ne sont pas sans conséquences sur les participants. Le régime à base de fruits cause de nombreux problèmes de digestions chez certains tandis que la purge, censée être la panacée, a provoqué des vomissements chez d’autres. Selon une habituée, des incidents ont déjà émaillé les stages. Un homme se serait blessé à la tête en faisant un malaise. Elle raconte aussi qu’un couple aurait vécu une nuit d’enfer après une purge, la femme allant jusqu’à faire un malaise.

Pourtant, à l’issue du stage, les discours des organisateurs ont convaincu les participants des bienfaits de l’alimentation crue, même si cela suscite parfois l’incompréhension de l’entourage et l’isolement. C’est le prix à payer pour la bonne santé ! 

(Sources : Le Figaro, 29.06.2023 & 06.07.2023 & 13.07.2023 & 20.07.2023)

  • Auteur : Unadfi