Risque de légitimation des pratiques de soin non conventionnelles ?

Le 9 mars 2023, l’annonce par Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, du lancement d’un Comité d’appui pour l’encadrement des pratiques non conventionnelles de santé (PNCS) a suscité l’inquiétude de plusieurs acteurs de la lutte contre les dérives sectaires présents lors de la réunion. Difficile pour eux d’accepter que des pratiques plus ou moins farfelues, comme le reiki ou le biomagnétisme bénéficient d’une sorte de reconnaissance.

Si l’objectif du ministère est de sécuriser ces pratiques, les participants à la réunion plaident plutôt pour leur bannissement du système de santé et, beaucoup s’inquiètent de la participation de l’Agence des médecines complémentaires et alternatives (A-MCA) ou d’autres structures du même type à ce nouveau comité.

Le 28 juin 2023, l’A-MACA fait partie des invités du premier comité. Cet organisme né en 2019, rebaptisé en 2022 Agence des médecines complémentaires adaptées, entend étudier et favoriser l’intégration et la sécurisation des médecines alternatives. Didier Pachoud, président du Gemppi (Groupe d’Etude des Mouvements de Pensée en vue de la Prévention de l’Individu) voit l’organisme comme une cheval de Troie qui ferait rentrer progressivement les pratiques de soins non conventionnelles dans le système de santé.

L’organisme fondé par Véronique Suissa, Serge Guérin et Philippe Denormandie bénéficie de nombreux soutiens hauts placés ce qui lui a permis d’organiser un premier colloque au sein du ministère de la Santé en 2019, puis un second en décembre 2022 à l’Assemblée Nationale où Agnès Firmin Le Bodo a fait partie des « experts politiques ».

Véronique Suissa se défend de tout lien avec le tout nouveau comité. D’ailleurs Agnès Firmin Le Bodo s’intéressait à la question bien avant son entrée au gouvernement puisqu’en 2021 elle avait déposé, avec d’autres députés, une résolution demandant au gouvernement de créer « une agence gouvernementale d’évaluation des approches complémentaires adaptées. »1

D’autres organismes visant à faire reconnaître certaines médecines alternatives étaient également présents le 28 juin comme le Collège universitaire de médecine intégrative et complémentaire (Cumic) qui milite afin de les intégrer dans les études de médecine. Son vice-président, Grégory Nino, était présent au comité en tant que représentant de l’Inserm.

Le ministère prône, quant à lui, l’équilibre entre les divers protagonistes invités, certains étant en faveur de l’intégration des médecines alternatives au sein du système de santé, d’autres étant contre, comme le collectif No FakeMed, ou l’Unadfi. Pierre Brémond d’Ars, médecin, représentant du collectif ne veut pas servir de caution et s’inquiète de voir « légitimer les pratiques complémentaires avec un vernis scientifique ».

Parmi les autres organismes présents lors du comité figurait la Haute Autorité de Santé (HAS), l’Académie nationale de médecine, différents Ordres de santé. Un certain nombre d’entre eux ont souhaité la présence de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).

Le président de l’Ordre national des infirmiers déclare que si le comité permet « d’identifier les pratiques douteuses avant qu’elles ne se développent c’est une bonne chose ». Pierre Brémond d’Ars est plus méfiant. Il espère que le comité pourra former à repérer les risques de dérives sectaires en santé. Mais il craint qu’il soit l’occasion de faire un catalogue de pratiques et de leur donner un label. D’autres membres du comité craignent que cela détourne les patients des soins. D’autant que certains thérapeutes n’hésitent pas à dénigrer la médecine conventionnelle.

Enfin, les différents Ordres, membres du groupe de travail, sont unanimes, ils pensent que toutes les pratiques promouvant un mode de vie sain, n’ayant rien à voir avec des techniques médicales ne devraient pas être encadrées par le ministère de la Santé, pour éviter toute confusion pour les patients. 

(Source : Marianne, 6-12 juillet 2023)

  1. Lire sur le site de l’Unadfi : Une ministre déléguée à la Santé disposée à promouvoir les pratiques de soin non conventionnelles : https://www.unadfi.org/actualites/domaines-dinfiltration/sante-et-bien-etre/pratiques-non-conventionnelles/une-ministre-deleguee-a-la-sante-disposee-a-promouvoir-les-pratiques-de-soin-non-conventionnelles/
  • Auteur : Unadfi