Quelles limites pour les doulas ?

Le recours au doulas, bien qu’encore marginal, monte en popularité. Une enquête menée par BFMTV révèle les dérives de certaines praticiennes.

Lors de leur grossesse, certaines personnes choisissent d’être accompagnées par une doula. Ces praticiennes, généralement des femmes, accompagnent les futures mères de la grossesse au post-partum, en passant par l’étape décisive de l’accouchement. Apportant un soutien pratique et émotionnel à la personne enceinte et ses proches, elles n’ont pas vocation à remplacer les sage-femmes qui sont, elles, des professionnelles de santé qualifiées, formées pendant six ans, et dont la pratique est encadrée par un ordre national au même titre que les médecins.
BFMTV a mené l’enquête sur les pratiques des doulas : une journaliste a contacté plusieurs praticiennes par téléphone en se présentant comme une femme enceinte souhaitant accoucher à domicile. Si la plupart des doulas interrogées ont refusé d’accompagner l’accouchement en l’absence d’une sage-femme, en insistant sur la nécessité de contacter au plus vite un soignant qualifié, d’autres se sont révélées beaucoup plus souples. En effet, l’une des doulas contactées était tout à fait disposée à assister un accouchement à domicile sans professionnel de santé, alors qu’elle n’était ni sage-femme, ni médecin ; de fait, elle n’avait jamais suivi de formation diplômante dans le champ de la santé, ni participé au moindre accouchement – hormis les siens. Cette doula proposait également sa propre « préparation à l’accouchement », qui permettrait selon elle d’éviter les préparations proposées en maternité, normalement organisées en sept séances réalisées par un médecin ou une sage-femme. Elle invitait également la future mère à se procurer une pharmacopée conséquente, à base de framboisier, d’agripaume et d’ortie, pour faciliter l’accouchement.
Cette praticienne n’était pas la seule des doulas contactées à tenir des propos problématiques : plusieurs autres personnes interrogées étaient prêtes à accompagner l’accouchement en l’absence de sage-femme. L’une d’elles s’est d’ailleurs avérée critique du suivi médical recommandé pendant la grossesse, comprenant sept visites et trois échographies ; elle estimait en effet que « les femmes ont tout ce qu’il faut pour enfanter ». Certaines doulas proposaient d’effectuer des nettoyages énergétiques ou de réaliser une « naissance lotus », qui consiste à ne pas couper le cordon ombilical du nourrisson pendant plusieurs jours – ce qui augmente grandement le risque d’infection. Plusieurs doulas offraient enfin diverses transformations du placenta -sous forme de smoothie, pilules ou teinture-mère : un acte illégal, puisqu’il est interdit de conserver son placenta, considéré comme un déchet à risque infectieux.
Le recours aux doulas reste marginal en France, bien que la pratique connaisse une montée en popularité parallèlement aux accouchements à domicile, dans un contexte de rejet de la surmédicalisation de la grossesse, de libération de la parole face aux violences obstétricales, et d’attrait pour le « naturel ». Aujourd’hui, cette activité n’est pas reconnue, et ne bénéficie en conséquence d’aucun encadrement en matière de formation ou d’obligations déontologiques. L’Académie de médecine s’inquiète donc du développement de cette pratique, en pointant le « danger que peut représenter l’immixtion de personnes insuffisamment formées dans le déroulement de la grossesse et de l’accouchement », dont les savoirs sont basés « le plus souvent sur une expérience personnelle de la grossesse, de l’accouchement et de l’allaitement ». De fait, la Miviludes surveille depuis près de 20 ans cette activité, en s’inquiétant notamment de certains discours liés au féminin sacré et de l’emprise psychologique possible sur des femmes fragilisées.


(Source : BFMTV, 09.12.2024)