Ces offres thérapeutiques suscitent l’extrême vigilance, notamment de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes : acupuncture quantique, sophrologie quantique, hypnose quantique, appareils quantiques censés repérer les cellules cancéreuses…Des pratiques non éprouvées par la science, qui associent du vocabulaire scientifique à des croyances New Age.
C’est un Français, Alain Aspect, qui a remporté le Prix Nobel de physique 2022 pour ses travaux sur l’intrication quantique. Ses recherches ont été qualifiées de « seconde révolution quantique », la première étant imputée à Max Planck, fondateur de la mécanique quantique au début du XXème siècle, et qui a donné son nom à une constante, la constance de Planck. Les théories de la physique quantique formulées entre 1900 et 1930, qui cherchent à expliquer le comportement des atomes et des particules, ont profondément changé notre façon de voir le monde, et ont permis des avancées technologiques majeures.
Il n’y a cependant absolument rien de « quantique » dans la médecine quantique ou la thérapie quantique que pratiquent certains pseudo-thérapeutes. Ces formules ne sont que des appellations fallacieuses destinées à mieux séduire en capitalisant sur cette idée de révolution scientifique et en faisant appel à notre propension à fantasmer. La physique quantique est en effet « l’un des rares objets scientifiques qui permette de fantasmer, et un support de science-fiction assez génial », déclare Richard Monvoisin, didacticien des sciences et auteur de Quantox. Mésusages idéologiques de la mécanique quantique.
C’est au sein même de la communauté scientifique que des fantasmes autour de la physique quantique commencent à se déployer. Erwin Shrödinger, consacre la seconde partie de sa vie à étudier la philosophie du vedanta, une doctrine hindouiste. En 1975, le physicien américain d’origine autrichienne Fritjof Capra publie Le Tao de la physique dans lequel il dessine des parallèles entre physique quantique et mysticisme oriental. L’ouvrage devient un best-seller, consulté aussi bien par les participants au mouvement hippie qui se mobilisent contre la guerre du Vietnam que par des étudiants en physique quantique, intrigués par le mouvement New Age.
En 1989 l’endocrinologue indo-américain Deepak Chopra publie le très populaire ouvrage Le Corps quantique. Trouver la santé aux confins du corps et de l’esprit et y formule l’expression « médecine quantique », qui renvoie à l’hypothèse selon laquelle le corps et l’esprit forment un tout duquel se dégage un champ vibratoire dont la qualité est à l’origine de la santé ou de la maladie. « Dans la guérison quantique de Chopra, c’est terrible à dire, mais rien ne fait sens », juge Richard Monvoisin, docteur en didactique des sciences et zététicien. En 2016 le physicien français Claude Aslangul déclarait à propos de cette théorie qu’« elle associe deux mots relatifs à deux disciplines utilisant des méthodologies inévitablement et radicalement différentes car poursuivant des objectifs n’ayant rien en commun ».
Quels sont les risques de cet amalgame dont tirent profit certains pseudo-thérapeutes ? Le retard de diagnostic et la perte de chance, notamment. « A-t-on le droit de soigner avec une théorie spéculative ? La vie des gens est en jeu », s’inquiète Bruno Falissard, épistémologue spécialiste de l’évaluation des théories médicales non conventionnelles.
En 2019, un masseur-kinésithérapeute promouvant la « thérapie quantique intégrative » a été condamné par l’ordre national des masseurs-kinésithérapeutes, après appel, à trois mois d’interdiction d’exercice pour avoir fait la promotion d’une « nouvelle pratique insuffisamment éprouvée ».
(Source : lemonde.fr, 10.10.2022)
1. L’intrication quantique réfère à l’existence d’un lien inextricable entre deux particules, quelle que soit la distance qui les sépare.