Quand la médecine alternative attire

Lorsqu’elle a senti une grosseur dans le sein au début de l’année 2012, Ludivine a dû consulter à plusieurs reprises avant qu’on ne l’oriente vers une biopsie. Trop tard : elle était atteinte de trois tumeurs, et le cancer progressait déjà dans le bras. Alors que de nouvelles douleurs apparaissent après la chimiothérapie qu’elle avait entrepris, elle prend la décision de se tourner vers des naturopathes et magnétiseurs de son entourage.

Dix ans plus tard, Ludivine se rappelle encore de son amertume quant à la froideur et la rapidité avec laquelle les différents professionnels de la médecine ont menés les consultations : « [ …]avec les oncologues, et même certains généralistes, c’est dix ou quinze minutes et dehors. Ils n’ont pas le temps de s’occuper de tout ça ». Car à la suite de la chimiothérapie qu’elle a effectivement suivie à l’époque du premier cancer, Ludivine connaît à nouveaux des douleurs qui l’empêchent pratiquement de tenir debout : elle n’obtient une ordonnance pour une radio qu’après avoir vivement insisté. On découvre alors que des métastases se sont développées dans les os du dos.

C’est d’abord vers son amie naturopathe, Garance, qu’elle se tourne afin de bénéficier de consultations plus longues, plus axées sur l’écoute, plus informelles aussi : Garance lui rend visite chez elle et reste parfois trois heures. Elle garde en tête les détails précis de l’évolution de la maladie de son amie, et l’encourage à creuser dans son histoire personnelle afin d’y déceler l’origine du mal.

Gaëtan, magnétiseur, énergéticien, « praticien en vitaponcture », est le suivant auquel Ludivine demande de se pencher sur ses douleurs, qui persistent. Néanmoins, l’appareil qu’il utilise pour créer des champs magnétiques ne vient pas à bout de la maladie.

En 2020, l’oncologue que Ludivine consulte une nouvelle fois dépiste une tache en train de s’étendre sur le foie. Elle en est certaine :« Ça a grossi encore plus vite à cause de la chimio ! ». Elle se tourne à nouveau vers une naturopathe qui lui prescrit un jeûne « particulièrement restrictif ». En parallèle, Garance et Gaëtan l’engagent à interrompre tout traitement médical. Une voisine de Ludivine, inquiète de son état physique, la pousse à consulter une diététicienne. Celle-ci l’examine et établit que le jeûne que Ludivine a suivi l’a menée vers une « dénutrition sévère ». La professionnelle le constate : « Peut-être que certaines de ces médecines alternatives l’ont aidée sur le plan psychologique, mais il y a forcément eu des effets délétères sur son pronostic… »

On le voit, au cours des dix années Ludivine a bel et bien cherché à guérir de sa maladie, en aspirant aussi à un rapport soignant/malade différent de celui que l’on rencontre dans nos médecines modernes. C’est d’ailleurs un des arguments de la médecine dite « douce » : la possibilité de se voir offrir un traitement personnalisé, qui travaille à découvrir les causes du symptôme. Or, force est de constater que Ludivine a aussi subi une perte de chance directement liée à ces méthodes de soins non-conventionnelles.

(Source : Marianne, 20.09.2021)

  • Auteur : Unadfi