Mort de Damien, trente ans, lors d’un jeûne total

Un jeune homme de trente ans est mort en juillet dernier alors qu’il s’était installé au sein d’un collectif qui prône le retour à la nature dans un écolieu à La Tour-sur-Tinée (06).

Cet écolieu, c’est Lou Neïssoun. Ce collectif accueille du public, et organise des événements et des formations qui vont du maraîchage à la fabrication de fours jusqu’à la pratique de la sourcerie. D’autres événements sont très clairement New Age : « cercles de musique sacrée », « connexion à soi », retraites « féminin sacré »… tout autant d’activités propices aux déviances sectaires.

Pour David Carré, un des fondateurs du collectif, il s’agit d’un lieu « où on partage des valeurs, mais où chacun fait ce qu’il veut ». Clément Bastié, membre du collectif l’Extracteur, le considère autrement : « ces communautés prônent la culture de l’autre et de l’entraide, et on a un gars qui finit par mourir seul, en dehors du système de santé. On se retrouve avec des gens qui font croire que la santé ne repose que sur vos épaules, vos choix, votre respiration… Bref, uniquement sur vous. Sur l’individu. C’est un morcellement du tissu social. C’est dramatique. »

Damien y est bien mort après un jeûne extrêmement restrictif, mais il reste compliqué de rendre compte de ce qui s’est réellement passé. Son frère Jérôme ne pense pas que Lou Neïssoun ait une quelconque culpabilité à avoir dans la mort de Damien. Il explique que son frère avait pris l’habitude ces dernières années de se lancer dans des jeûnes en « freelance », sans encadrement aucun.

Avide de voyages, de musique et de mysticisme, il avait rejoint Lou Neïssoun pour assister à un événement organisé autour du solstice d’été. Il s’y était senti tellement bien qu’il avait décidé d’y rester. Se lançant dans un jeûne total (ni nourriture, ni boisson), il avait fini par inquiéter, voire agacer les autres participants. « Je lui ai dit qu’il ne pouvait pas faire un jeûne et ne pas boire. Je le forçais à boire, il ne voulait pas » explique David Carré. Il n’était plus maître de son corps. Ce n’était pas du délire, il était connecté à une autre réalité. » Damien s’isole, effectue son jeûne dans son coin, hurle parfois : « il extériorisait ce qu’il vivait intérieurement en criant. Du coup, ça dérangeait le collectif, les gens qui vivaient sur place provisoirement. Ils lui ont fait savoir et lui ont dit : « Damien, va t’exprimer plus loin ». Damien disparaît de l’écolieu le 23 juillet. L’alerte est donnée.  Des battues sont organisées, des gendarmes et des proches cherchent Damien pendant plusieurs jours. Son corps sans vie est finalement retrouvé près d’une ruine au lieu-dit le Chianet. Jérôme est là. Pour lui, Damien se serait laissé mourir. « Il avait peut-être un problème psychiatrique, il avait un fond de mal-être, de dépression. Sa démarche spirituelle était peut-être un prétexte et il ne voulait plus continuer à vivre. » confie son frère. Il espère que l’autopsie pourra les éclairer. La question se pose tout de même de savoir quand commence la non-assistance à personne en danger, alors même que les personnes vivant dans l’écolieu entendaient Damien hurler et savaient qu’il était engagé dans un jeûne.

À propos du jeûne, Clément Bastié prévient qu’ il « n’a pas de vertu thérapeutique […] Autant, la nourriture, on peut tenir. Mais l’eau, ça va tout de suite mettre à mal le fonctionnement de l’organisme, autant du point de vue physique que psychologique : le cerveau a besoin d’être hydraté pour fonctionner correctement. On peut avoir l’illusion d’accéder à un autre niveau de conscience, mais en réalité, c’est que votre cerveau ne fonctionne plus correctement, vous délirez. Et plus on tarde, plus c’est difficile de faire marche arrière. » 

(Sources : nicematin.com & varmatin.com, 29.08.2022)

  • Auteur : Unadfi