Bilan de trois décennies de recherches sur les PSNC

Dans un article récent, le chercheur Edzard Ernst propose une rétrospective sur l’évolution de la recherche sur les PSNC au cours des 30 dernières années. 

Edzard Ernst est un médecin anglais d’origine allemande ayant consacré ces 30 dernières années à l’analyse critique des PSNC. Après une formation initiale en médecine, en homéopathie et en chiropractie, il devient professeur de Médecine Complémentaire à l’Université d’Exeter (Angleterre) en 1993.

Sa première mission est alors d’appliquer la méthode scientifique aux PSNC. Un argument est souvent opposé par les promoteurs de ces pratiques : les PSNC ne pourraient être évaluées par les méthodes scientifiques traditionnelles, puisque ces dernières ne sont pas en mesure de prendre en compte les composantes holistiques associées à ces méthodes.

Toutefois, progressivement, les chercheurs partisans des PSNC se rallient aux projets de recherche, espérant que cela puisse favoriser la promotion des PSNC. Des tests plus ou moins rigoureux ont donc été effectués sur les hypothèses sous-jacentes à ces méthodes, avec des résultats généralement décevants pour leurs partisans. En plus de ne pas montrer d’efficacité, ces études ont au contraire permis de mettre en lumière les risques associés aux pratiques et d’attester que ces thérapies reposent sur des hypothèses invraisemblables sur le plan biologique.

L’enthousiasme des partisans des PSNC s’est donc progressivement amenuisé. Puisqu’il était désormais indispensable de se prévaloir de la science, une nouvelle stratégie a émergé : un changement d’approche scientifique. Les promoteurs des PSNC ont ainsi avancé l’idée que les études contrôlées et randomisées n’étaient pas adaptées pour déterminer l’efficacité des PSNC et que des approches différentes seraient plus appropriées, comme les essais pragmatiques. Ces essais, aussi appelés essais de type « A+B contre B » visent à évaluer une pratique médicale basée sur le traitement plus que le traitement en lui-même. Dans son article, Ernst souligne bien que si ce type d’essais a un intérêt en épidémiologie, il n’est absolument pas pertinent pour évaluer l’efficacité des PSNC.

Ernst illustre son propos en présentant une étude de 2012 dont l’objectif était d’étudier l’efficacité de l’acupuncture sur la fatigue de patientes cancéreuses. Pour ce faire, les chercheurs ont formé deux groupes de patientes : le groupe 1 recevait les soins recommandés (A), tandis que le second groupe recevait ces mêmes soins (A) avec des séances régulières d’acupuncture (B). Les chercheurs ont constaté que les patientes du groupe 2 étaient significativement moins fatiguées que celles du groupe 1. Ces résultats ont été interprétés comme une preuve de l’efficacité de l’acupuncture sur la fatigue des patientes cancéreuses.

Comme l’explique Ernst, cette interprétation est toutefois erronée : en effet, il faut bien souligner que les patientes ayant reçu les traitements A+B auront systématiquement une meilleure amélioration de leurs symptômes que les patientes n’ayant reçu que le traitement A. Pourquoi ? Car le traitement B apporte a minima le bénéfice de l’effet placebo. Il est donc impossible de déterminer ce qui, dans la prise en charge B, a favorisé l’amélioration de l’état de fatigue des patientes : l’acupuncture ? L’effet placebo ? Le simple fait de recevoir un soin supplémentaire ?

Si les études suivant le schéma « A+B contre A » peuvent donc, en apparence, sembler rigoureuses, en réalité, elles ne permettent pas de tirer des conclusions sur les causes et les effets : elles ne sont donc pas appropriées pour démontrer qu’une PSNC donnée est la cause de l’amélioration d’un symptôme.

Ces limites méthodologiques ne se bornent pas à un questionnement théorique, elles entraînent des conséquences concrètes sur l’organisation des soins. Ainsi, les études « A+B contre A » sont aujourd’hui parfois utilisées comme preuve de l’efficacité des PSNC, afin de justifier leur intégration dans la médecine conventionnelle, alors que l’intégration de ces thérapies est coûteuse et présente un bénéfice sanitaire faible. L’intégration de ces pratiques limite également les recherches sur des traitements qui auraient une efficacité propre – cette fois-ci, au-delà du placebo.  

(Sources : Skeptical Inquirier, 02.2023, AFIS, 15.08.2023)

  • Auteur : Unadfi