Enquête sur un guérisseur

Un guérisseur de Marles-les-Mines (Pas-de-Calais) a été placé en garde à vue pour avoir agressé sexuellement une jeune femme, Natacha, durant une dizaine d’années. 

A l’âge de 13 ans, Natacha est placée par ses parents entre les mains du guérisseur pour de petits problèmes de santé. Il lui expliquait qu’il devait poser ses mains sur les parties du corps douloureuses. Elle réalisa plus tard que ses gestes s’apparentaient parfois à des attouchements.
 

Natacha a consulté le guérisseur durant 10 ans. Accompagnée par ses parents lorsqu’elle était mineure puis seule quand elle a atteint la majorité. Jusqu’au jour où elle est allée le voir pour qu’il l’aide à résoudre des problèmes de couples. « Afin de chasser les mauvais esprits de son corps », l’homme lui a conseillé d’avoir une relation sexuelle avec lui. Elle admet avoir été consentante au moment des faits et n’avoir pris conscience de l’incongruité des « remèdes » proposés que plus tard.
 

Natacha s’est décidée à porter plainte. 
Après l’avoir mis en garde à vue, le parquet de Béthune a décidé de lever la mesure et ordonné une expertise psychologique du guérisseur. 
Cette affaire a fait réagir une magnétiseuse pour qui la discipline est « un don puissant » avec lequel « il ne faut pas faire n’importe quoi ». En d’autres termes, elle estime qu’il ne faut pas, en quelque sorte, mélanger les torchons et les serviettes… Elle compte d’ailleurs passer des diplômes [?] et se faire reconnaître par le GNOMA, groupement national pour l’organisation des médecines alternatives qui lutte pour la reconnaissance de ces pratiques. À ce jour, le GNOMA ne recommande aucun guérisseur ou magnétiseur. 
D’autres guérisseurs ou magnétiseurs avancent les mêmes constats : il y a eux et les charlatans. L’un d’eux raconte que lorsqu’il « soigne sur photo », il fait des prières « pour ses patients » tous les jours.
 

La Miviludes, Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, voit dans les dérives des pratiques non conventionnelles une porte d’entrée vers les groupes sectaires. 
4 français sur 10 auraient recours à ces pratiques. Sont considérées comme pratiques non conventionnelles toutes les techniques qui ne sont pas enseignées à la faculté, dont l’efficacité n’a pas été démontrée scientifiquement et dont l’activité n’est pas encadrée. 

L’État français observe néanmoins une certaine tolérance vis-à-vis de ces pratiques non conventionnelles, notamment depuis 1994 date à laquelle la loi sanctionnant les métiers de pronostication a été abrogée. Le Conseil de l’Europe l’y incite également. L’OMS plaide, quant à elle, l’intégration de ces pratiques dans les systèmes de santé.
 

L’ordre des médecins rappelle que « non conventionnel » signifie « non encadré ». René-Claude Dacquigny, président du Conseil de l’ordre du Pas-de-Calais, rappelle également que « l’ordre a toujours eu une position assez ferme parce que c’est, dans certains cas, un exercice illégal de la médecine. […] Il ne faut surtout pas que ces pratiques amènent les patients à ne plus suivre leur traitement ».
 

(Source : La Voix du Nord, 24 & 27.07.2014)