La bataille fait rage sur internet entre les anti-vax, nombreux et de plus en plus organisés, et des collectifs de citoyens qui s’appliquent à rétablir les faits scientifiques concernant la vaccination.
Sur le réseau social russe Telegram les militants anti-vaccination ont trouvé en Julian Wolf une figure de proue. Assez discret jusqu’alors, ce dernier a lancé en novembre 2020 l’opération le « Grand Réveil » dont le but est de « troller », en commentant en grand nombre, les publications sur la vaccination des pages Facebook et Twitter de grands médias comme BFM-TV. Le seul mot d’ordre : rester polis pour éviter les ennuis.
Toujours au mois de novembre 2020, il lance sur Telegram l’« Opération Trolls Citoyens 2.0 » (rebaptisée récemment « La Tribune du peuple ») dont le but est de signaler à ses « followers » des cibles à spammer.
Son groupe d’activistes vise aussi les sondages en ligne autour de la politique vaccinale pour en fausser les résultats, comme en avril dernier dans le Point dont le sondage « Au vu des doses disponibles, faut-il ouvrir la vaccination à tous ? » est passé, suite à leur intervention, de 87 % de oui à moins de 50 %. Ces résultats faussés permettent de mettre en avant les idées de Julian Wolf et ses suiveurs.
Que Julian Wolf soit peu connu n’empêche pas des fers de lance de la sphère complotiste de relayer ses opérations sur le web. Silvano Trotta, les groupes de soutien à Rémy Daillet-Wiedmann, les sites de « réinformation » comme Open Your Eyes ou Tatapookie, et même la vedette de la téléréalité Mickaël Vendetta, leur apportent leur soutien. Ce dernier a retrouvé une visibilité en relayant des contenus anti vax et en prêchant pour la Fraternité Blanche Universelle dont il est membre.
Julian Wolf n’est pourtant pas un nouveau venu de la sphère complotiste. Se définissant comme « chercheur de vérité » depuis 2008, cet amateur d’ésotérisme partage des écrits mystiques et a été rédacteur des sites Esprits Libres et Divulgation (ce dernier étant clairement conspirationniste). Utilisant toutes les plateformes de communication possibles, il dénonce une multitude de complots mondiaux fomentés par les élites, allant jusqu’à tenir des propos antisémites lorsqu’il écrit en mai 2021 sur Instagram : « N’oubliez pas que la France est aux mains des khazars, jésuites, sionistes, talmudistes, pédosatanistes ».
Fermé 24 heures en juin, son compte Instagram a gagné 10 000 abonnés à sa réouverture. Cependant Telegram reste sa plateforme favorite. Y multipliant les « salons » de conversations ouverts à tous pour diffuser au plus de monde possible, il est passé de 17 000 abonnés à 40 000 entre mai et juillet 2021. Cette popularité lui permet aussi de diffuser son marchandising complotiste sous forme de t-shirt, coques d’IPhone, sacs, pulls et même bodies pour bébé.
Mais ses ambitions ne s’arrêtent pas là. En juin dernier il a ouvert une cagnotte Tipeee pour lancer son propre site internet et former ses activistes en organisant des rencontres régionales pour mener des actions sur le terrain.
Face à cette déferlante de fausses informations liées à la vaccination, plusieurs collectifs de citoyens et des militants issus de la société civile ne comptent pas leurs heures sur internet pour tenter de contrer les activistes anti-vax.
Récemment formé, le collectif No Fake Med répond aux complotistes en publiant des informations sourcées. Plus anciens, Les Vaxxeuses et Stop à la propagande antivaccins se sont constitués en 2017, lors des débats sur l’extension de la vaccination obligatoire des enfants. Si jusqu’à présent les vaccins étaient accusés de causer l’autisme ou la sclérose en plaque, Marie (prénom changé pour des raisons de sécurité) du collectif les Vaxxeuses souligne que le vaccin contre la Covid-19 a donné lieu à de nouvelles théories farfelues comme celles en rapport avec la 5G.
Pour Antoine Daoust, fondateur en février 2021 de FactandFurious.com, un site de « fact-checking » et d’actualités indépendant, les fausses informations se diffusent tellement vite qu’il est difficile de les contrer.
Mais tous ces militants qui œuvrent bénévolement sont unanimes : « leur travail vient combler un vide laissé par l’Etat » qui ne le fait pas. « Faute de moyens ou de volonté ?», se demande Cyril Vidal, président du collectif No Fake Med. Mais « apparaître indépendant du pouvoir peut être important pour avoir un dialogue » avec les complotistes qui craignent les collusions avec le pouvoir explique-t-il.
Pour Marie, du collectif les Vaxxeuses, si les contenus complotistes se propagent si rapidement c’est aussi à cause des « lacunes de l’enseignement scientifique ». Elle souhaiterait que soit « davantage enseigné le « fact-checking » dans les collèges et les lycées.
Patricia, fondatrice du collectif Stop à la propagande antivaccins, regrette le manque « de modération chez les médias grand public », mais également la modération sans discernement de Facebook qui suspend régulièrement les pages des militants pro-vaccination qui partageant « des perles de mensonges » anti-vax sur leurs pages, « en leur ajoutant un en-tête explicatif » pour les dénoncer.
Le travail de ces militants n’est pas de tout repos. Ils passent plusieurs heures par jour sur internet, à l’image de Patricia qui a compris qu’essayer de vulgariser des informations n’est pas suffisant pour que les gens « reviennent dans le factuel ». « La croyance est résistante aux faits » déplore-t-elle. Elle a fini par craquer face aux trop nombreuses heures passées sur la toile et aux menaces de mort dont elle a été la cible. La violence de certains propos est en effet parfois difficile à supporter, assure Antoine Daoust qui a infiltré plusieurs groupes de militants antivaccins. Patricia se réjouit cependant de la naissance de BigPragma, un nouveau site fondé conjointement par Stop à la propagande antivaccins et les Vaxxeuses pour lutter contre la désinformation.
(Sources : Streetpress, 28.07.2021 & FranceTV Infos, 16.08.2021)