L’adolescence une période à risque pour l’adhésion aux théories conspirationnistes

L’adolescence est une période de fragilité qui peut rendre perméable aux théories du complot. Ellen Cushing en a fait les frais au début des années 2000. Aujourd’hui adulte, elle analyse les raisons qui l’ont amenée à adhérer à de telles théories.

Ellen n’avait que 14 ans lorsqu’elle a entendu parler des Illuminati par l’un de ses professeurs de lycée. Elle n’avait pas imaginé qu’il puisse se tromper et n’avait ni le recul ni une culture suffisante pour distinguer le vrai du faux. Elle a donc accordé du crédit aux propos de son enseignant.

Lorsqu’elle évoqué le sujet avec ses parents, ils ne se sont pas inquiétés. Au début des années 2000, les théories du complot existaient déjà, mais n’avaient pas l’importance qu’elles ont aujourd’hui. Les réseaux sociaux n’en n’étaient qu’à leurs balbutiements.

Une fois la croyance dans les Illuminati acquise, il n’était pas difficile de croire en des théories de plus en plus incroyables.

Les théories du complot comblent un appétit de connaissance et répondent à des incertitudes existentielles, comme le besoin de contrôle. Elles valorisent l’estime de soi en donnant le sentiment de détenir un savoir secret, d’appartenir à une communauté et d’en être apprécié. Tous ces éléments sont très importants pour un adolescent.

Peu à peu la croyance dans les Illuminati a laissé place à d’autres idées complotistes dans la tête d’Ellen, en particulier lorsqu’elle s’est retrouvée seule pour ses études. C’est à cette même période que les réseaux sociaux ont pris de l’ampleur. Elle a passé de nombreuses heures sur le web découvrant l’existence de complots sur le 11 septembre 2001 ou ceux sur la prétendue présence de reptiliens extraterrestres sur Terre. Ces théories lui ont permis de rompre son isolement. Pour elle, elles tenaient du divertissement et il ne lui semblait pas dangereux de les partager. Mais elle regrette aujourd’hui d’avoir transmis des informations qu’elles savaient être fausses. En effet depuis cette période le complotisme a eu des conséquences dramatiques, allant jusqu’au massacre de masse.

Elle avoue néanmoins que cette période de sa vie lui a donné l’opportunité de découvrir des sujets en rapport avec les inégalités sociales. Mais elle aurait préféré les connaître d’une autre manière. Elle regrette l’énergie gaspillée et le temps passé à ingurgiter ces théories. Citant un article quasi prémonitoire du chercheur Herbert Simon, datant de 1971, elle conclut que quand l’information devient trop foisonnante, sa « richesse signifie une pénurie d’autre chose ». « L’information consomme l’attention de ses destinataires ». Cette constatation trouve aujourd’hui un écho avec la masse envahissante de théories conspirationnistes publiées sur Internet.

(Source : The Atlantic, 13.05.2020)

  • Auteur : Unadfi