L’antivaccination au chevet du complotisme

La crise de la COVID19 a été un accélérateur dans la propagation en nombre et en rapidité des théories du complot. L’arrivée des premiers vaccins a marqué l’avènement d’un ensemble de théories complotistes dont se sont emparés certains mouvements. Très visibles en ligne ces théories sont dangereuses et pourraient convaincre les indécis et les personnes émettant des doutes vis-à-vis de la vaccination. 

Pour Tristan Mendès France, maître de conférences associé à l’université de Paris, spécialiste des cultures numériques et des thèses conspirationnistes, il convient de faire la différence entre les personnes s’interrogeant sur le vaccin (chacun étant en droit de se poser des questions) et les membres d’une véritable mouvance qui avancent que la vaccination serait un instrument de soumission et d’exploitation de la population par les élites et les laboratoires pharmaceutiques. Dans la première catégorie tous ne sont pas complotistes.

C’est sur internet que la communauté antivaccin est la plus visible et organisée. Bien que dans l’absolu moins nombreux que les provaccins, les détracteurs de la vaccination font plus de bruit. Ils diffusent de nombreuses vidéos, commentent des publications et des articles de presse et se retrouvent sur les réseaux sociaux. Ces antivaccins se considèrent alors comme lanceurs d’alerte, chercheurs et détenteurs de vérité. On assiste à une mondialisation du marché de la désinformation concernant la vaccination. Les contenus sont rapidement traduits et diffusés en un clic. Les partisans de l’antivaccination n’hésitent pas à relayer des témoignages de personnes ayant eu des problèmes avec un vaccin ou encore à décontextualiser la parole des scientifiques. Nommé « cherry picking », ce procédé consiste à sélectionner des informations qui vont conforter les idées préconçues.

Tristan Mendes France rappelle que la vaccination active « des craintes primitives » chez les individus car elle touche la vie privée et viole une barrière symbolique de l’identité. Dans une tribune publiée par Le Monde, la géographe spécialiste de la vaccination Lucie Guimier notait que, dès leur origine, de nombreux mouvements antivaccination se sont articulés autour de l’idée de la défense des libertés individuelles face à l’intervention de l’Etat perçue comme intrusive. Selon elle, le refus vaccinal constitue alors une stratégie d’insoumission à l’autorité et participe à la création d’un rapport de force entre l’Etat et les citoyens.

Les principaux relais de l’antivaccination sont des personnages influents de la sphère complotiste ou des pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique comme Thierry Casasnovas, Jean-Jacques Crèvecoeur ou Silvano Trotta ; mais aussi des influenceurs gravitant autour des sphères du bien-être, du yoga et de la spiritualité. Durant le mois de décembre, un live organisé par Thierry Casasnovas a réuni de nombreux invités parmi lesquels Louis Fouché médecin réanimateur à l’hôpital la Conception à Marseille. Lorsqu’ils abordent le sujet de l’épidémie, le médecin qui rappelle parler en son nom affirme à propos de la vaccination que « ces Khmers blancs techno-sanitaires veulent prendre le contrôle de votre vie jusqu’à ce que vous ayez un certificat vaccinal sous la forme de nanoparticules ». Émanant d’un médecin, ces propos controversés sèment le trouble dans l’esprits des indécis et rendent difficile le discours de défense de la vaccination.

Un profil-type d’antivax ne semble pas pouvoir être établi, cependant certaines tendances se dégagent. Les jeunes, les électeurs d’extrême droite et d’extrême gauche sont plus représentés. On retrouve un grand nombre de partisans des médecines alternatives qui partent du postulat que le vaccin est artificiel, non naturel et donc toxique. Selon l’Académie de médecine, les antivax pourraient représenter 5 à 10% de la population. Le danger de leur prosélytisme sur les réseaux est qu’ils pourraient convaincre et faire basculer les plus indécis et les sceptiques.

Certains médecins présents sur les réseaux sociaux reçoivent des insultes et des menaces de mort émanant d’antivax. Ces courriers proviennent de personnes qui reprochent aux médecins d’utiliser des produits dangereux comme les vaccins ou encore de mentir sur les décès liés au coronavirus. Parmi les différentes lettres reçues par les médecins, on retrouve un texte de Christian Cotten, président de Politique de vie, un mouvement sectaire dissimulé derrière une action politique. Le texte de Christian Cotten se veut un avertissement avant poursuites pour viol du Code de Nuremberg et atteinte à l’intégrité d’autrui. Il encourage les personnels de santé à ne pas participer à la campagne de vaccination.

(Sources : Le JDD, 01.12.2020 & LCI, 08.12.2020 & Le Parisien,12.12.2020 & 22.12.2020)

 

  • Auteur : Unadfi