Le succès du complotisme

Dans une interview accordée à France Info1, Olivier Klein, professeur de psychologie sociale à l’Université libre de Bruxelles, spécialiste du conspirationnisme, tente d’apporter des éléments de compréhension du succès des théories complotistes en ces temps de pandémie. Le professeur éclaire aussi sur différents moyens de communiquer avec une personne aux croyances complotistes.

Olivier Klein stipule d’entrée que cette croissance exponentielle des théories complotistes n’a rien de surprenant dans une période de crise. Elles satisfont trois grandes motivations :

• Chercher à comprendre ce qui se passe, les théories du complot fournissant une analyse simple de problèmes complexes.

• Avoir une vision positive de soi alors que la situation peut placer l’individu dans un état de vulnérabilité psychologique. Pour Olivier Klein croire en une théorie du complot permet en quelque sorte de reprendre le contrôle sur soi.

• Rétablir un lien aux autres. Dans des moments d’isolement induits par les confinements le complotisme va permettre de devenir membre d’une communauté véhiculant (partageant) les mêmes idéaux.

Les adhérents au complotisme se rapprochent à la fois des discours et des individus qui les véhiculent. Ils deviennent membres d’une communauté sociale partageant les mêmes idées ce qui crée un attachement émotionnel à des personnes en qui on a confiance. L’identité collective ainsi créée et les croyances organisent alors la vie et l’identité sociale. Pour Olivier Klein, ce processus d’adhésion à une théorie du complot peut être rapproché d’une conversion religieuse ou de l’adhésion à un mouvement sectaire.

S’il semble difficile de dégager un profil sociologique type du complotiste, ce sont généralement des gens qui ont l’impression d’être en situation de vulnérabilité, que quelque chose qui leur est dû leur a été retiré. D’un point de vue politique, les croyances complotistes sont plus marquées à l’extrême droite souvent très libertaire et en contestation d’un discours perçu comme dominant. Ces éléments doctrinaux semblent plus que compatibles avec les théories du complot. Le psychologue constate que des groupes ayant des origines différentes partagent pourtant des contenus similaires. Il cite à titre d’exemple le rapprochement entre des groupes issus de l’extrême droite américaine comme QAnon et le milieu des médecines douces dans leur dénonciation des politiques sanitaires et leurs théories antivaccination.

Le complotisme représente un véritable danger pour notre société. Olivier Klein aborde notamment une nouvelle forme de complotisme particulièrement inquiétante apparue dans le sillage de QAnon. Ne se basant plus sur des faits, le complot n’a plus besoin de preuves, il va de soi. Cette théorie répétée va devenir une évidence pour des personnes et acquérir ainsi une certaine validation sociale. Cela peut devenir un danger pour la démocratie dans laquelle les citoyens ont besoin de valeurs et de principes communs pour évoluer ensemble. Ces théories peuvent conduire au démantèlement des références communes empêchant tout dialogue.

L’interview met en lumière une notion souvent occultée : les enjeux économiques du complotisme. Olivier Klein cite deux exemples. Il parle d’abord du film Hold-up qui a réussi à lever d’importants fonds pour sa réalisation. De plus, le film est payant alors que dans une optique de révélation de leurs travaux au plus grand nombre les réalisateurs auraient pu le diffuser gratuitement. Le deuxième exemple est celui de Jean-Jacques Crèvecoeur. Promoteur de pratiques de soins non conventionnelles et fervent opposant à la vaccination, il utilise ses vidéos sur la pandémie pour assurer la publicité de ses formations coûteuses.

Enfin, le psychologue social apporte des pistes pour communiquer avec un individu tombé dans des théories complotistes. Il mise sur le dialogue et le fait de ne pas braquer l’interlocuteur. Il conseille dans un premier temps de créer une forme d’entente, de mettre en commun des idées similaires. Il ne faut pas dire à l’individu qu’il est complotiste afin de ne pas construire une relation basée sur deux camps opposés. Il recommande de comprendre le pourquoi de l’adhésion. Bien que difficiles, les communications peuvent avoir pour but d’atténuer leurs versions complotistes des faits et rendre plus vraisemblable et crédible la version généralement admise.

(Source : France Info, 01.12.2020)

1. Lire l’interview dans son intégralité : https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/grand-entretien-que-revele-le-succes-des-theses-complotistes-pendant-l-epidemie-de-covid-19_4187415.html

 

 

  • Auteur : Unadfi