Le Conseil national de la recherche et de la formation pédagogique, chargé de réviser les manuels scolaires, a fait disparaître la théorie de l’évolution des manuels scolaires destinés aux élèves de seconde, au motif d’alléger la charge de travail des étudiants après deux ans de fermeture des classes durant la pandémie de Covid-19.
Cette purge n’est pas la première : des dizaines d’autres sujets concernant l’histoire (la période des empereurs musulmans moghols), l’environnement (le réchauffement climatique), la chimie (le tableau périodique des éléments chimiques de Dmitri Mendeleïev) ou la société (l’assassinat de Mahatma Gandhi) ne figurent plus dans les manuels scolaires.
La théorie de l’évolution était dans le viseur du gouvernement de Modi depuis quelques années. En 2018, le ministre de l’enseignement supérieur, Stayapal Singh, avait déclaré devant le Parlement que la théorie de l’évolution de Darwin était « scientifiquement erronée », s’en moquant même en arguant que « personne, y compris nos ancêtres, que ce soit par écrit ou oralement, n’a jamais dit avoir vu un singe se transformer en être humain ! ». Des déclarations qui ont affligé la communauté scientifique du pays, inquiète du révisionnisme général qui sévit en Inde. Plus de 4 500 chercheurs et enseignants ont demandé le rétablissement de l’enseignement de la théorie de l’évolution, signant un appel organisé par la plate-forme Breakthrough Science Society. Ils alertent : « les étudiants seront gravement handicapés dans leur processus de pensée s’ils en sont privés ».
Dans le sillage de l’élection de Modi en 2014, de nombreuses théories mélangeant mythologie indienne et science ont été diffusées par les nationalistes hindous. A titre d’exemple, une d’entre elles prétendait que le seigneur Ganesh (dieu à tête d’éléphant monté sur un corps humain) était la preuve que le pays maîtrisait déjà la chirurgie plastique il y a des milliers d’années. Selon Gauhar Raza et Surjit Singh, deux scientifiques indépendants qui ont publié en 2018 une étude au sujet de la place de la science sous Modi, « ces déclarations faites en public par les dirigeants politiques ne sont pas des dérapages. Chacune d’entre elles est mûrement réfléchie et fait appel à la conscience antirationaliste et antiscientifique des nationalistes religieux de droite ».
(Source : lemondefr, 21.06.2023)