Santiniketan Park Association

Diffusé, cet été, dans le cadre du Festival international du film de Melbourne, le documentaire réalisé par Rosie Jones, « The Family », retrace l’histoire d’une communauté, qui a défrayé la chronique à la fin des années 1980. La presse est revenue sur cette histoire ayant amené la police australienne à retirer les enfants de la communauté afin de les protéger de l’influence destructrice de leur mère d’adoption, Anne Hamilton-Byrne, leader de la communauté.

Ce groupe d’influence new age, connu également sous les noms de Santiniketan Park Association (nom de l’une des propriétés du groupe) ou Grande Fraternité blanche, est né dans les années 1960 de la rencontre d’Anne Hamilton-Byrne, professeur de yoga, avec le physicien Raynor Johnson. Les réunions informelles du début sur les thèmes du yoga, de la méditation et de la spiritualité, ont un tel succès qu’ils font bâtir leur premier centre, baptisé Santiniketan à Ferny Creek, suivi de plusieurs autres dans différentes parties de l’Australie. Anne-Hamilton possédait, en outre, une propriété en Grande-Bretagne ainsi qu’aux États-Unis. Les adeptes profitaient de leur statut socioprofessionnel (un quart d’entre eux appartenaient au corps médical) pour gagner la confiance et attirer les nouvelles recrues. Ainsi, l’hôpital psychiatrique privé Newhaven, dont le propriétaire était membre du groupe, a été le théâtre d’un intense prosélytisme et le lieu d’expériences menées avec du LSD sur les patients.

Peu à peu les dirigeants échafaudent une doctrine, syncrétisme d’hindouisme, de christianisme et de théosophie. Les adeptes doivent étudier les principaux textes des différentes religions, ainsi que ceux de gourous alors en vogue (Sri Chinmoy, Rajneesh). Par ailleurs, toujours intéressée par le yoga, Anne Hamilton a suivi l’enseignement de Sami Muktananda, fondateur du Siddha Yoga. La Famille et Siddha Yoga ont entretenu d’étroites relations durant de nombreuses années, jusqu’au jour où Anne Halmiton a pris conscience que des membres de la Famille étaient prêts à quitter son groupe pour rejoindre celui de Muktananda.

Très rapidement, la doctrine a dérivé vers une peur paranoïaque de l’extérieur et une obsession de la pureté. Anne Hamilton et Raynor Johnson se divinisent… elle prétend être le Christ réincarné, lui Saint Jean-Baptiste. Craignant l’apocalypse annoncée par la gourelle, les adeptes se soumettent à une discipline de fer afin d’atteindre la perfection qui fera d’eux les élus qui seront sauvés par les extraterrestres. Elle leur impose un régime végétarien strict, de longues heures de prêche, de l’exercice physique et beaucoup de yoga.

Si, vu de l’extérieur, le groupe offre une image idyllique, en interne les adeptes et en particulier les enfants vivent un véritable cauchemar. Anne Hamilton forme les couples et adopte les enfants nés de ces unions, qu’elle soustrait à leurs parents. Grâce à l’intervention de travailleurs sociaux, membres du groupe, elle en adopte d’autres par des moyens illégaux.
Anne Hamilton va alors modeler ces enfants selon ses propres critères de beauté. Tous sont coiffés de manière identique : cheveux décolorés en blond et coupe au bol. Ils sont élevés par des membres du groupe appelés « les tantes ». Coupés du monde et scolarisés au sein de la communauté, ils sont victimes de maltraitances physiques, de privation de nourriture et de sommeil, d’isolement dans le noir. Arrivés à la puberté, les adultes expérimentent sur eux les effets du LSD.

Cette situation a duré près de vingt ans, jusqu’au jour où l’une des filles adoptives de la gourelle s’enfuit et dénonce le groupe. En 1987, la police mène un raid pour libérer les enfants, mais Anne Hamilton n’est pas retrouvée. Elle a fui avec son mari aux États-Unis. Elle sera extradée en 1994 et condamnée, uniquement pour fausse déclaration de naissance à payer 5 000 dollars australiens par victime. Depuis lors, elle n’a plus jamais été inquiétée. Aujourd’hui, très âgée et devenue sénile, Anne Hamilton n’est plus en mesure de gérer la fortune qu’elle a amassée grâce au groupe.

Devenus adultes, plusieurs enfants de la communauté témoignent aujourd’hui des maltraitances dont ils furent victimes, mais surtout des blessures psychologiques laissées par le manque d’affection et la perte d’identité.

(Sources: The Sydney Morning Herald, 23.07.2016, the Guardian, 01.08.2016&Abc.net, 03.08.2016, extraits de livre de Sarah Moore, Unseen, Unheard, Unknown, 1995)