Parc d’Accueil : retour sur un procès exemplaire

En novembre 2012 puis en octobre 2013, le tribunal de Lisieux et la Cour d’appel de Caen ont rendu des décisions qui ont fait date « dans l’Histoire de la lutte contre les dérives sectaires ». Françoise Dercle a été définitivement condamnée à cinq ans de prison et ce résultat fut une victoire mémorable pour tous ceux qui défendent les individus sous emprise de groupes sectaires.


A l’invitation de l’ADFI Normandie, les principaux acteurs judiciaires de ces procès ont révélé « les dessous de cette affaire inédite » lors d’un colloque qui s’est déroulé à Caen le 26 février 2014.

L’emprise était la clé de ce dossier. Bien connue des psychiatres et des juristes, l’emprise n’en reste pas moins difficile à démontrer. Car si les faits rapportés par les victimes ont horrifié ceux qui les ont découverts au fil de l’enquête, ils sont difficiles à qualifier et la réponse pénale difficile à apporter. Même les victimes ont du mal à se considérer comme telles.

Comme l’a rappelé Yannick Le Roy, adjoint au chef de la PJ de Caen, « il s’est déroulé neuf ans entre le début de l’enquête préliminaire et le procès en appel ». Les policiers ont déployé des moyens inhabituels pour mettre fin aux agissements de la « gourelle » de Lisieux comme les écoutes téléphoniques qui ont permis de révéler la nature des relations que Françoise Dercle entretenait avec ses adeptes. Yannick Le Roy explique : « c’est comme cela que nous avons découvert l’emprise exercée sur les adeptes. Notamment quand on entend une adolescente parlementer une demi-heure avec une Françoise Dercle qui se fait menaçante parce que la jeune fille veut envoyer un texto à son petit ami ». Plus impressionnant encore, les policiers ont entendu une « femme de cinquante ans, totalement soumise, parlant avec une voix de petite fille, répondant juste par oui ou par non à la gourelle ». Soumises à un expert en psychiatrie, ces écoutes ont sans l’ombre d’un doute confirmé que les enquêteurs étaient bien face à un abus de faiblesse.

Autre méthode utilisée, celle de la mise en garde à vue de l’ensemble des adeptes : « Il fallait absolument exploser le groupe, faire en sorte que les adeptes ne puissent pas communiquer entre eux ».

Intervenant lors du colloque, Me Fouquet, l’un des avocats des victimes, estime qu’il « faudrait réfléchir à l’incrimination d’une entreprise sectaire comme il existe l’incrimination d’un entreprise terroriste ».

Me Bosselut, avocat de l’UNADFI, pense que ce n’est pas si simple : « Si on détermine une incrimination spécifique pour les dérives sectaires, nous allons avoir une levée de boucliers, une fois de plus, on nous taxera de jouer la police de la pensée. » Pour sa part Me Bosselut croit qu’étendre les moyens d’enquête et mener des instructions telles que celle menée dans cette affaire est déjà une bonne réponse. « L’affaire Dercle est une grande victoire dans la lutte contre les dérives sectaires ». Alors qu’avant, il parlait de ses difficultés à traiter ses dossiers, « aujourd’hui, l’affaire Dercle est un début de réponse judiciaire à la chose sectaire et c’est énorme ».

Source : Liberté.fr, 13.03.2014